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mercredi 21 janvier 2015

LE VILLAGES DES DAMNES / VILLAGE OF THE DAMNED (1960) - LA CRITIQUE

Paisible bourgade de la campagne anglaise, Midwich se retrouve un beau jour plongée dans un coma collectif d'origine inconnue. Pour éviter une panique ou la curiosité des médias, l'armée parvient à garder l'affaire secrète. Pas une mauvaise idée. Outre une jolie gueule de bois, Midwich voit également l'intégralité de sa population féminine en âge de procréer avec un polichinelle dans le tiroir. Moins de neuf mois plus tard et une dizaine d'enfants viennent au monde. Des enfants blonds comme les blés qui grandissent à toute vitesse, télépathes et férocement intelligents. Des enfants sans émotion ou presque et dont le regard fait naître la peur.


Au panthéon des classiques de la science-fiction sur pellicule, LE VILLAGE DES DAMNES conserve une place de choix. Et il ne l'a pas volé. Avec sa mise en scène simple, réaliste, factuelle, le film de Wolf RIlla (également co-scénariste) cherche bien plus à convaincre et à terrifier durablement le spectateur qu'à l'impressionner sur le moment. Très peu de musique, des effets spéciaux discrets (une étrange lueur dans les yeux des enfants), une courte durée (77 minutes montre en main) qui interdit les excès dramatiques. La méthode est spartiate et bigrement efficace. Les premières minutes sont, à ce titre, exemplaires. Un simple plan d'ensemble et quelques notes à la naïveté pastorale suffisent pour croquer le cadre idyllique dans lequel l'histoire va se dérouler. Puis la musique cesse. Le protagoniste principal, Gordon Zellaby (George Sanders) se dévoile au détour d'un court dialogue d'une grande banalité, un homme dans la force de l'âge, élégant et cultivé, qui a des relations dans l'armée. Près de la cheminée, son chien roupille paisiblement. Rien de transcendant. Le train-train quotidien, immuable. Pas si immuable que ça en fait. Un sommeil soudain et profond pétrifie Zellaby et tous les autres habitants du village de Midwich. Même la caméra finit par se figer sur l'horloge du clocher de l'église, laissant le générique défiler dans un silence de mort. Une horloge qui, si on laisse son imagination courir un peu, semble déjà annoncer qu'une catastrophe est en cours et que le temps joue contre nous. La suite ne viendra pas nous contredire.
Une des autres particularités réjouissantes du VILLAGE DES DAMNES réside dans l'habileté du scénario à préserver ses mystères, ses zones d'ombres volontaires nourrissant la peur. La véritable nature et le projet des enfants ? Ils veulent fonder une colonie mais pour qui et pourquoi, on ne le saura jamais. SI une série particularités physiques révèlent que les enfants ne sont pas humains (leurs ongles, la racine de leurs cheveux, leurs yeux, leur métabolisme) rien ne vient non plus confirmer qu'ils soient purement extra-terrestres. Aucun nom de planètes (même imaginaires) n'est cité et lorsque les enfants se voient directement questionnés sur leurs origines, ils refusent catégoriquement de fournir une réponse. A la fantaisie de l'explication à tout prix, habituellement de mise, Wolf Rilla préfère sagement le silence. Il nous force à nous poser mille questions. La solution nous échappe systématiquement. Bienvenue au doute. Bienvenue à l'angoisse.


Malgré son demi-siècle passé, LE VILLAGE DES DAMNES ne vieillit pas, ou si peu. Seul le noir et blanc et le jeu à l'ancienne de son impeccable casting (dominé par le jeune Martin Stephens, le leader déterminé et sociopathe des enfants) témoignent de l'âge du film. Mais c'est tout. Car LE VILLAGE DES DAMNES n'a rien d'un film d'invasion extra-terrestre typique de la Guerre Froide. Ce n'est pas la peur du communisme soviétique d'alors qui est au coeur du projet. Juif allemand de par ses origines directes (son père a fui l'Allemagne Nazie pour la Grande-Bretagne), Wolf Rilla le comprend sans doute mieux que quiconque. Plus universel et intemporel que bon nombre d'autres péloches de l'époque, LE VILLAGE DES DAMNES traite du fanatisme, avec un regard froid et terrible. Avec son groupe d'enfants sans émotions, convaincus de leur supériorité, dirigés par un esprit de groupe contre lequel se heurte toutes les intentions (bonnes ou mauvaises) comme face à "un mur de briques", le film anticipe même le fanatisme religieux qui ensanglante la société actuelle. Tout commence par les enfants. S'ils sont foutus, tout est foutu. Le temps joue contre nous toujours, mais aussi contre eux. Ne reste plus qu'à commettre l'impensable, le plus horrible des sacrifices. 
Oui, croyez-moi, encore aujourd'hui, ce petit bout de film ne manquera pas de vous faire cogiter. Et frissonner aussi.
Verdict : 6/6.   

Alan Wilson

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