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samedi 24 janvier 2015

LA PASSION DU CHRIST (Mel Gibson, 2004)


Il y a les films sur Jésus, et il y a le film de Gibson. J'aurais d'ailleurs pu arrêter là ma modeste critique, tant cette Passion Du Christ transcende le genre par ses choix narratifs et visuels, offrant au spectateur une expérience unique et il faut bien le dire véritablement intense, voire extrême... Mais creusons, ou plutôt enfonçons le clou si je puis m'exprimer ainsi.
Dans la préface du livre de photographies consacrées au film, "La Passion", Gibson explique la genèse du projet par ce qu'on pourrait appeler, et ce sans tomber dans le calembour miteux, comme une crise de foi. S'interrogeant sur le sens de sa vie, le réalisateur/acteur trouve dans la prière une réponse à ses interrogations : il va réaliser un film sur La Passion. Mais l'annonce du projet a de quoi effrayer, et ce pour une raison très simple. En effet, Gibson est ce que l'on peut appeler un catholique traditionaliste, voire intégriste, refusant les réformes instaurées par le Concile Vatican II. A peine la production du film mis en branle, des voix s'élèvent, craignant outre une vision obscurantiste des "évènements" (Gibson, outre les évangiles, choisit de puiser son inspiration dans les travaux d'une mystique controversée du XVIIIème siècle, Anna Katharina Emmerick, qui fut en son temps assaillie de visions et autres stigmates), un film aux vieux relents antisémites du type "les Juifs ont tué le Christ". Pour couronner (d'épines ?) le tout, Mad Mel annonce qu'il va tourner le film uniquement en hébreu, araméen et latin, arguant que les images parleront d'elles-mêmes par leur force évocatrice et qu'il paiera les 25 millions de dollars de budget de sa poche. Le pari s'avère donc plus que risqué mais va dépasser toutes les espérances du réalisateur et marquer l'histoire du cinéma d'une empreinte indélébile.
Formellement, l'expérience s'avère des plus radicales, tant l'auteur s'attache à ne rien occulter des souffrances d'un Jésus rapidement transformé en une plaie sanguinolente, et ce durant deux (très) longues heures parfois difficilement supportables, cruauté culminant dans deux scènes emblématiques, l'une concernant la flagellation, l'autre la crucifixion, écœurantes par leur durée, leur complaisance et leur intensité, mais surtout par l'utilisation d'effets spéciaux bluffants de réalisme, plaçant le spectateur dans une position de témoin pour le moins inconfortable. Mais comme l'avait très justement souligné un critique de l'époque, on parle d'un homme torturé au-delà de toute raison pour finir cloué sur une croix, pas d'une promenade bucolique comme le furent en leur temps certaines œuvres consacrées à un sujet similaire. Pour la première fois, une crucifixion est montrée dans toute son horreur, sa bestialité. Qu'importe alors finalement si Gibson prend de sévères libertés historiques ou narratives (les apparitions du Diable, la vision parfois biaisée de certains personnages, Pilate notamment), le film s'impose comme un incroyable voyage dans l'inconscient du réalisateur, poussant le vice jusqu'à filmer sa propre main tenant le marteau qui enfoncera le premier clou. Le message est clair, nous sommes tous responsables de la mort du Christ. Gonflé, mais d'une rare cohérence puisque le réalisateur y voit l'acte ultime d'amour, la sacrifice suprême d'un individu pour toute l'humanité. D'un bout à l'autre magnifique, même dans ses excès, traversé d'éclairs à l'émotion palpable (sans tomber dans le chromo, la scène où Marie se précipite vers son fils sur le chemin du calvaire est bouleversante), La Passion Du Christ, même dans sa conclusion anecdotique (une résurrection rythmée par une musique quasi-guerrière) s'avère parmi l'une des expériences les plus jusqu'au-boutiste du cinéma. Tout simplement indispensable.

Sylvain Blanchard.

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