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mardi 27 janvier 2015

7 SECONDES EN ENFER / HOUR OF THE GUN (1967) DE JOHN STURGES - LA CRITIQUE

Le mercredi 26 octobre 1881. Tombstone, Arizona. Il est environ trois heures de l'après-midi lorsqu'une fusillade éclate entre, d'une part, les cowboys Billy Clayborne, Ike Clanton et son petit frère Billy et les frères Tom et Frank McLaury, et, d'autre part, les représentants de la loi que sont Doc Holliday et les frères Earp, Virgil, Morgan et Wyatt. Une trentaine de coups de feu sont échangés en 30 secondes. Trois morts chez les cowboys (Billy Clanton et les MacLaury) tandis que les Earp, à l'exception de Wyatt, finissent blessés. 30 secondes seulement mais qui auront des conséquences durables. Et légendaires aussi, la fusillade devenant la plus célèbre de l'histoire déjà très violente de l'Ouest Américain. 

Cet épisode, John Sturges le porte ici à l'écran pour la seconde fois, 10 ans après le très romancé et très hollywoodien GUNFIGHT AT THE OK CORRAL. Burt Lancaster y interprétait Wyatt Earp et Kirk Douglas, Doc Holliday. HOUR OF THE GUN commence d'ailleurs là où se terminait GUNFIGHT AT THE OK CORRAL, par la fameuse fusillade. Et, pour bien se différencier de son prédécesseur, revendique une véracité historique indiscutable (la phrase "C'est ainsi que ça s'est passé" s'inscrit fièrement à l'écran à l'issue du générique d'ouverture). A l'exception notable du portrait hautement fantaisiste qui est fait de Ike Clanton (bien loin, dans la réalité, du leader criminel friqué et froid joué par Robert Ryan) et de son funeste destin, on s'écarte de la légende. La scène où les Earp doivent se justifier de leurs actes au cours d'un procès, bien véridique, participe efficacement de cette démarche de réalisme. Ce qui interesse Sturges, c'est le détricotage du mythe pour mieux examiner la spirale de la violence. Chaque mort en entraîne d'autres. Chaque coup de feu est un péché supplémentaire qui vient peser sur la conscience troublée des protagonistes. Les divers affrontements ne sont jamais iconisés par la caméra. Le drame, toujours filmé à hauteur d'hommes, cultive même l'ambiguité morale. Pour comprendre ce qui a entraîné le règlement de comptes initial, le spectateur ne dispose que de bribes d'informations. Des menaces de mort, une querelle. Un flou volontaire qui nous rappelle qu'il en fallait bien peu pour que la poudre parle en cet époque trouble. Le "héros", le Wyatt Earp incarné par James Garner (dans son meilleur rôle tout simplement) ne se veut d'ailleurs guère irréprochable. Il a beau afficher la tenue et la posture de l'homme de loi droit dans ses bottes, il n'en demeure pas moins enclin à la vengeance la plus impitoyable et au doute permanent. Un paradoxe ambulant, très loin du Wyatt Earp souvent idéalisé. Un meurtrier ou un justicier ? Un peu des deux. 

C'est un western remarquable que le réalisateur des SEPT MERCENAIRES signe donc là, complexe, violent mais aussi touchant dans sa description de l'amitié liant Doc Holliday (Jason Robbards, fabuleux), joueur et tueur professionnel mourant de la tuberculose, et Wyatt Earp. Certaines de leurs scènes en commun offre au film ses rares moments de quiétude et d'humour. Le tout dans un cinemascope impeccable, cadré avec soin et porté par le score mémorable de Jerry Goldsmith. Il n'est d'ailleurs pas interdit de voir dans HOUR OF THE GUN l'une des influences majeurs du UNFORGIVEN de Clint Eastwood, lui aussi attaché à montrer la violence de l'Ouest sous un angle tragique et fataliste.  

Alan Wilson

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