Blog cinéma d'utilité publique

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mercredi 14 janvier 2015

BEN STILLER : UN REALISATEUR QUI FAIT L'ACTEUR (ET PAS LE CONTRAIRE)

Ne laissez pas les succès de MARY A TOUT PRIX ou de la franchise LA NUIT AU MUSÉE vous aveugler. Ben Stiller n'est pas juste un pitre de plus dans le paysage de la comédie américaine. Il vaut mieux que ça et sa carrière de cinéaste parle pour lui. 
L'histoire de Ben Stiller réalisateur commence en 1989 avec le moyen métrage parodique et foutraque ELVIS STORIES. Avant même son cultissime BEN STILLER SHOW que diffusa MTV entre 1992 et 1993. En à peu près 30 minutes, il s'attaque avec humour et tendresse à tous ces mythes et légendes urbaines entourant le King. Une vraie note d'intention durant laquelle Stiller s'efface derrière son sujet et affiche son amour des losers qu'il ne va cesser de traiter comme des chenilles sur le point de se transformer en papillon. La gaucherie et l'absurde ne sont jamais des prisons ou des étiquettes réductrices mais bien des chrysalides perpétuelles. Déjà, Ben Stiller le hurle à son public : je ne suis pas ce que vous croyez.



La suite s'appelle REALITY BITES (GENERATION 90 au pays du camembert), sort en 1994 et prend la forme d'une chronique douce amère sur l'entrée dans l'âge adulte. Le sujet idéal pour un premier long-métrage. Ethan Hawke et Winona Ryder y sont en tête d'affiche avec Stiller lui-même. Si les critiques sont mitigées (et elles le seront chaque fois que Ben Stiller passera derrière la caméra), le film obtient néanmoins un joli succès d'estime en triplant sa mise. Le SIDA, l'homosexualité, le risque constant de perdre son identité et ses valeurs sont les thèmes explorées par le cinéaste. Le film fait sourire (parfois) et émeut (souvent) et s'avère soigné sur la forme. Une belle carte de visite en somme. Mais que le public va bien vite oublier au profit de MARY A TOUT PRIX en 1998, le carton tendre et crétin des frères Farrelly. Stiller qui aime tant les perdants discrets et les clowns tristes en devient la figure ultime.



Entre temps, il aura déjà réalisé THE CABLE GUY (1996) avec, justement, Jim Carrey en tête d'affiche, l'autre "muse" des frères Farrelly. Stiller n'y joue qu'un rôle très secondaire mais révélateur d'ex-enfant star accusé du meurtre de son frère jumeau et dont le procès télévisé sert de fil rouge à toute l'histoire. Derrière chaque sourire se cache donc une frustration, une psychose meurtrière. Poussé dans ses retranchements, le jeu outrancier de Jim Carrey fait plus peur que sourire. Il y interprète un technicien du cable dont la solitude maladive le pousse à envahir la vie d'un trentenaire (Matthew Broderick) transparent et malheureux en amour. Pour mieux illustrer son propos (de l'influence de la télévision sur nos vies), Stiller abandonne le style élégant de REALITY BITES et sa photo soignée pour une forme volontairement télévisuelle, sitcomesque même. Les décors de la vie de tous les jours sonnent volontairement faux, trop propres pour être vrais. C'est confirmé, Ben Stiller est un caméléon et son style est sa méthode : épouser le sujet du film pour mieux tromper son monde. 



ZOOLANDER (2001) continue sur cette lancée. Le réalisateur/acteur magnifie la stupidité et la méchanceté du milieu de la mode et de tous ses personnages en filmant le tout avec une élégance colorée et clippesque. C'est hilarant et cruel à souhait. Les acteurs sont en roue libre comme des mannequins livrés à eux-même et boostés par leur égo. Owen Wilson brille comme jamais dans des impros fabuleuses. Mais le succès est modeste. Dommage.



Il faut attendre 5 ans pour que Ben Stiller repasse derrière la caméra avec TROPIC THUNDER, le succès de LA NUIT AU MUSÉE lui offrant à nouveau la confiance des financiers. Et que fait l'acteur/réalisateur de ce pouvoir retrouvé ? Il attaque Hollywood par le biais de ses stars toutes puissantes et emballe le tout en rendant hommage à APOCALYPSE NOW et son célèbre making-of HEARTS OF DARKNESS, récit édifiant d'un tournage malade. Les stars de comédies prout-prout, les rappeurs qui s'imaginent acteurs, les intégristes de l'actor's studio et les stars de films d'action en quête de respectabilité, tous en prennent pour leur grade avec une férocité géniale mais suicidaire, le film ne faisant que moyennement rire l'usine à rêves. Tom Cruise, star parmi les stars, vient lui-même enfoncer le clou en incarnant, méconnaissable, un mogul de studio gras comme un cochon et ordurier comme rarement. Un régal. Un autre trait de génie ? Avant même de débuter son histoire, Stiller balance une poignée de fausses bandes annonces et de fausses pubs truculentes. Toutefois indigeste par moments, le film reste sans concessions et tout bonnement indispensable. 



Encore cinq années passent et voilà que déboule THE SECRET LIFE OF WALTER MITTY, nouvelle adaptation de la nouvelle du même nom de James Thurber, écrite en 1939 et déjà adapté au cinéma en 1947 avec Danny Kaye dans le rôle titre. Le film de Stiller n'a pour autant rien à voir avec cette version précédente. Pour la première fois depuis REALITY BITES, le cinéaste abandonne la comédie pure au profit d'une émotion héritée des classiques de Frank Capra. Certes, les éclats de fantaisie débridée persistent mais Stiller privilégie l'aventure et livre une ode à l'accomplissement personnel trop souvent emprisonné dans le carcan du virtuel et des idées reçues. Magnifiquement filmé et interprété, réellement émouvant dans sa défense de la vie avec un V majuscule (c'est pas pour rien que le héros bosse pour Life Magazine), THE SECRET LIFE OF WALTER MITTY peut sans peine être considéré comme le sommet de la carrière protéiforme et insaisissable de Ben Stiller réalisateur.



On attend donc la suite avec impatience. Et ce pourrait être une nouvelle adaptation du PINOCCHIO de Carlo Collodi. On peut être sûr d'une chose, quelque soit l'angle d'attaque choisi, Ben Stiller va continuer d'avancer masqué pour mieux surprendre son monde. 

Alan Wilson

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