Blog cinéma d'utilité publique

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Obligatoire de 7 à 77 ans

vendredi 30 janvier 2015

AKIRA (1988) DE KATSUHIRO ÔTOMO - LA CRITIQUE (EXPRESS)



Sous quel angle aborder ce classique, que dis-je, ce titan de l'animation japonaise ? Que dire quI ne l'ai déjà été ? Putain de dilemne. Je pourrai vous parler de son influence toujours vivace, de son mélange si particulier et sans concession de science-fiction kubrickienne (ouh qu'il est beau mon adjectif barbare !), de post apo ultra-violent, de chronique adolescente punk et d'animation sophistiquée. Je pourrai vous causer de tout ça. Mais vous avez sûrement déjà tout vu, tout lu, tout entendu. Peine perdue. Merde, c'est certain que vous en savez plus que moi sur le sujet.
Comment faire ?
(long soupir)
Et si je vous parlais de moi plutôt ? Non, soyez pas cons, revenez, ça va vous plaire. Enfin, en tous cas, ça vous changera. Parce que ça n'est pas seulement de moi que je veux vous entretenir, mais d'AKIRA et moi.
Flashback.


1992. AKIRA est sorti sur les écrans français depuis un an et son succès ne se dément pas. Pour ma part, tout ce que j'en sais c'est que l'affiche (Néo Tokyo, Kaneda et son cuir rouge, sa bécane de malade) me fait sacrément baver. Je ne connais que DRAGON BALL, GOLDORAK et ALBATOR mais, j'en suis convaincu, AKIRA c'est autre chose, du jamais vu. Oui, je bave. Mais ma patience finit par payer. Un pote, mon pote, possède la VHS et il va me la prêter, promis juré. J'aurais volé un playboy à la librairie du coin pour le soudoyer au besoin. Ce ne fut pas nécessaire. Et puis un playboy volé, ça ne se donne pas, ça se garde nom de nom.
Un mercredi matin. La cour de récréation. Et la VHS tant convoitée est dans mon sac qui voit son poids habituel passer de 1 tonne à 1 tonne et 100 grammes environ. J'ai tout l'après-midi pour profiter de l'objet du délit. Bon, le chien dort, ma mère dort, mon père est pas là. Je glisse la cassette dans le magnétoscope Thomson en fin de vie mais qui a intérêt à ne pas me lâcher avant la fin du film. Et là, le choc. J'étais pas préparé. C'est bien simple, au bout de dix minutes, j'en oublie que c'est de l'animation. Ce qui se passe à l'écran me traumatise. Je me dis que tout ça c'est VRAI !!! Lorsque le chef du gang des clowns, tout puissant sur sa moto qu'il conduit les bras croisés (!) assène un coup de boule surpuissant au voyou qui ose le défier, je ressens le choc, physiquement. Lorsque Tetsuo, en proie au délire, croit voir ses tripes s'étaler sur le macadam, je me retiens de vomir. Lorsque le même Tetsuo, enragé, détruit quelques minutes plus tard des rues entières par la simple force de sa pensée, j'ai la mâchoire qui pend.
Deux heures sont passées. Le générique de fin défile aux accords d'une musique fabuleuse, trippante (mais je n'use pas encore de cet adjectif à l'époque). Je n'ai pas vraiment tout compris. Mais j'ai pris une baffe. Non. Une pluie de baffes. Un déluge de mandales. AKIRA vient de se graver à vie dans mon cortex cérébral.
Depuis, je l'ai revu 1976 fois (je vise les 2001 visionnages, je trouve que c'est adéquat) et j'ai presque tout compris. Je me suis goinfré le manga. Je me suis goinfré le making of. J'ai fait chauffer la carte bleue pour le dvd zone 1, le dvd zone 2 et le blu-ray. Mais les sensations de cette première fois, elles, demeurent.

Alan Wilson
  

OSCAR (1967) D'EDOUARD MOLINARO - LA CRITIQUE (EPRESS)

Le théâtre filmé, le vaudeville et ses portes qui claquent passant des planches au grand écran, c'est une tradition française. S'il fallait choisir un porte étendard de ce noble et prolifique exercice, alors nul doute qu'OSCAR ferait parfaitement l'affaire. L'adaptation de la pièce de Claude Magnier (jouée pour la première fois en 1958 avec Pierre Mondy en tête d'affiche) par Edouard Molinaro et Louis de Funès est le symbôle même du triomphe éclatant du style sur la substance.


La critique (très légère) de l'obsession de la nouvelle bourgeoisie française pour le pognon et la superficialité qui en résulte ne sont qu'un prétexte. OSCAR est un pur concept. Un lieu unique et des quiproquos qui s'enchaînent en temps réel à un rythme tellement soutenu qu'il en devient surréaliste. Il n'en faut pas plus pour que le bouillonnant Louis de Funès, littéralement co-auteur (par ses nombreuses improvisations) et presque co-réalisateur (par le contrôle maniaque exercé sur son jeu et aussi celui de ses partenaires), se livre à un one-man show parfaitement rôdé. Le personnage de Bertrand Barnier, patron irrascible et magouilleur qui va vivre la pire matinée de son existence, de Funès en connaissait d'ailleurs déjà le potentiel comique sur le bout des doigts pour l'avoir interprété sur scène dès 1961, succédant à Pierre Mondy. 
Un numéro et rien d'autre ? Des grimaces chorégraphiées à la seconde près ? C'est ça, OSCAR ? Oui, mais dans ce cas précis, à un tel niveau d'exécution, on aurait tort de s'en plaindre. Discrète mais diablement efficace, la mise en scène d'Edouard Molinaro est réellement ahurissante dans sa gestion parfaite de l'espace et du tempo. Et en cinémascope qui plus est. La preuve que le théâtre repensé pour le cinéma, lorsque la tâche est confiée à de vrais cinéastes, ça n'est pas seulement des champs contre champs indigents. 

Alan Wilson     

L'ETOFFE DES HEROS / THE RIGHT STUFF (1983) DE PHILIP KAUFMAN - LA CRITIQUE


Un homme, un vrai, c'est quoi ? C'est à cette question, obsession purement machiste diront certains, que tente de répondre avec aplomb le cinéaste Philip Kaufman à travers ce classique du cinéma américain. Héritier direct du cinéma de John Ford, L'ETOFFE DES HEROS substitue à la conquête de l'Ouest la conquête de l'Espace en pleine Guerre Froide. Quoi de plus pertinent, en effet, que de s'interroger sur la nature du mâle à travers le prisme de ce qui fut une incessante course aux exploits tant humains que technologiques et scientifiques ? Sur une période d'un peu plus de quinze ans, le cinéaste décrit avec un mélange de fascination et d'ironie comment les Etats-Unis, un pays qui n'a jamais vraiment su discerner la frontière entre réalité et fiction, n'a cessé de vouloir se forger des héros, certains éphémères, d'autres immortels.
Le scénario, dans un jeu de va et vient, oppose le parcours solitaire de Chuck Yeager à celui, collectif et ultra-médiatique, des astronautes du programme que la toute jeune NASA baptisa Mercury. Le premier constitue le centre spirituel, mystique même, de l'histoire. Les autres symbolisent un courage, certes totalement authentique, mais qui tend à se disperser dans des ambitions superficielles et égocentriques (le terrifiant malaise conjugal lors de "l'échec" de l'astronaute Gus Grissom, miné par l'amertume de sa femme qui se lamente de n'avoir pas pu rencontrer Jackie Kennedy est un exemple parmi tant d'autres). Philip Kaufman ne manque pas une seule occasion de démontrer l'immaturité totale de ces hommes (le regard que les femmes portent sur eux est incroyablement révélateur) qui rêvent de gloire en bombant le torse, conscient qu'ils ne sont que le jouet d'hommes politiques ridicules (le film dresse un portrait vraiment peu flatteur de Lyndon B. Johnson, vice président de John F. Kennedy, ce en quoi l'Histoire ne saurait lui donner tort d'ailleurs) mais bien décidé à savourer chaque minute de leur gloire nouvellement acquise. De leur mise en condition physique, aux premiers voyages en orbite terrestre, et en passant par les tests (spectaculairement foireux) des fusées de la NASA, c'est un humour corrosif qui irrigue chacune de ces séquences. En clair, le programme Mercury, aussi spectaculaire et audacieux qu'il puisse nous apparaître, ne fut rien d'autre qu'une grande parade avec fanfare mené par une bande de pieds nickelés.
A contrario, et bien qu'infiniment plus modeste en apparence (les médias se sont vite lassés de lui), les exploits accomplis par Yeager (idéalement interprété par le supra-viril Sam Shepard) ont une résonance bien plus profonde. Ce n'est pas l'envie de se faire mousser ou de prouver qu'il en a dans le pantalon qui pousse Yeager à fendre les airs à bord d'avions supersoniques expérimentaux, mais la quête d'un absolu, d'un "démon" vivant caché dans les cieux (Dieu ?). Yeager n'a pas plus peur de la mort (un vieil homme au teint pâle et qui n'a même pas besoin de parler pour faire comprendre aux épouses de pilote qu'elles sont désormais des veuves) que d'échouer face aux caméras du monde entier ou encore de perdre son job au profit de chimpanzés grimaçants. L'homme, le vrai, c'est lui. 


Drôle, spectaculaire, épique, interprété à la perfection (Dennis Quaid, Ed Harris, Scott Glenn et Fred Ward y imprimèrent définitivement leur image de tough guys aux trognes inoubliables), L'ETOFFE DES HEROS est un biopic à nul autre pareil, véloce comme un avion de chasse et envoûtant comme le derrière bombé d'une déesse playboy des sixties. Mille fois copié, jamais égalé !
Alan Wilson

jeudi 29 janvier 2015

LE MAÎTRE DE GUERRE / HEARTBREAK RIDGE (1986) DE CLINT EASTWOOD - LA CRITIQUE



Un an avant le FULL METAL JACKET de Stanley Kubrick, le monolithe Eastwood se frotte avec délectation à l'un des sous-genres du film de guerre : le boot-camp movie (comprenez "film de camp d'entraînement"). Outre la valeur légèrement autobiographique du film (il est de notoriété publique qu'Eastwood fut, pendant ses propres classes, une recrue au moins aussi dissipée que celles du sergent Highway), LE MAÎTRE DE GUERRE véhicule une ironie devastatrice entre répliques über-viriles mémorables et un humour potache bien pensé. 


Droit dans ses bottes, voix rocailleuse et physique impressionnant malgré un âge déjà avancé (56 ans à l'époque du tournage), Clint Eastwood aborde frontalement, pour la première fois de sa carrière, le thème du héros vieillissant, faisant la nique au jeunisme triomphant d'Hollywood. Face à des recrues arrogantes et je m'en foutistes au possible, Eastwood oppose sa force tranquille. Une façon de se moquer du jeune homme qu'il fut un jour mais aussi d'une industrie cinématographique qui valorise les gros bras et les grandes gueules à la Schwarzenegger et à la Eddie Murphy qui ne savent qu'épater la galerie. Highway, au contraire, agit vite et bien, sans se la raconter. Il faut le voir envoyer au tapis un colosse bodybuildé de trente ans son cadet en deux temps trois mouvements. 


Pour autant, cette débauche d'héroïsme old school ne masque pas le discours farouchement anti-militariste du film. Contrairement aux idées reçues, LE MAÎTRE DE GUERRE n'a rien d'une œuvre bêtement patriotique. Au fil des séquences, la carrure de Tom Highway s'effrite et perd de sa superbe. Incapable de parler aux femmes avec la moindre sensibilité, c'est un homme qui va peu à peu se rendre compte qu'il a tout simplement gâché sa vie. Ses amis sont morts et, aux yeux de sa hiérarchie, il n'est rien d'autre qu'un dinosaure. Totalement obsolète. Le climax du film qui relate l'invasion de Grenade en octobre 1983 dépeint un épisode guerrier sans relief, presque une farce. La guerre fantasmée par les recrues de Highway, désormais gonflées à bloc, n'aura pas lieu. Plus de héros. Plus de conflits spectaculaires.


Dans les dernières minutes du film, Eastwood acteur et réalisateur tacle tout sentiment de triomphalisme en une seule réplique lapidaire. Au soldat qui lui avoue vouloir faire carrière au sein du corps des Marines, Highway répond ceci : "T'es encore plus con que ce que je croyais !". Message reçu cinq sur cinq, sergent Clint !
 
Alan Wilson

MUSIQUE DE FILM - LA GLOIRE DE MON PÈRE (1990) COMPOSE PAR VLADIMIR COSMA

La semaine dernière, nous arpentions les paysages sauvages et majestueux de l'Afrique du Sud des zoulous en compagnie d'Elmer Bernstein. Revenons aujourd'hui en France pour nous émerveiller devant une terre non moins magique, la Provence de Marcel Pagnol magnifiée par les notes de Vladimir Cosma. Adaptation du premier volet des récits autobiographiques du célèbre auteur de JEAN DE FLORETTE ou encore MARIUS, LA GLOIRE DE MON PÈRE marque la dixième collaboration entre le cinéaste Yves Robert et Vladimir Cosma qui ne se quittent plus depuis ALEXANDRE LE BIENHEUREUX (1967). Si il est souvent plus facile de se souvenir des travaux du compositeur pour la comédie (LE GRAND BLOND AVEC UNE CHAUSSURE NOIRE, LA CHÈVRE, LES AVENTURES DE RABBI JACOB et j'en passe), il ne faut pas négliger ses travaux pour les autres genres. LA GLOIRE DE MON PÈRE et son magnifique thème principal est l'un des exemples les plus frappants de l'incroyable richesse de son écriture musicale. Ample, noble, émouvant, le morceau qui suit, nommé Habanera, restera comme le plus bel hommage rendu par un compositeur de musique de films au Sud Est de la France. Maestro, à vous !

      

mardi 27 janvier 2015

FLASHDANCE (1983) DE ADRIAN LYNE - LA CRITIQUE

Lorsque l'on a des souvenirs émus du cinéma américain des années 80, FLASHDANCE est indispensable. Indispensable ?! What the fuck ???? On se calme (et on boit frais, me suggère t-on) et on réfléchit cinq secondes ... Comment, en effet, faire l'impasse  sur le mélo musical d'Adrian Lyne ? C'est tout simplement impossible ! Pour le pire, mais aussi pour le meilleur, FLASHDANCE est une étape capitale dans l'évolution formelle des aspects les plus commerciaux du cinéma hollywoodien. Pourquoi ? Parce qu'il s'agit là, ni plus ni moins, de l'acte fondateur de la formule Jerry Bruckheimer (alors en duo avec le regretté Don Simpson). Plus qu'un simple producteur, Jerry Bruckheimer peut être aujourd'hui considéré comme une marque, un style.
Avouons-le, même si l'on est fan, le film paraît incroyablement daté. Et il l'est, c'est évident. Ne serait-ce que par sa musique, ses costumes et son incroyable naïveté vis-à-vis du "rêve américain". Quant au scénario (en partie signé Joe Eszterhas, le papa de BASIC INSTINCT et SHOWGIRLS, ce dernier étant d'ailleurs une relecture hardcore de FLASHDANCE), c'est un repompage éhonté de celui des trois premiers ROCKY, histoire de profiter d'une recette qui a fait ses preuves auprès du public. Bref, sur le fond, c'est culcul, c'est téléphoné et c'est bourré de clichés bien lourdingues. 


C'est sur la forme que FLASHDANCE marque des points et s'inscrit dans l'histoire. Britannique et fils de pub, comme son compatriote Ridley Scott, Adrian Lyne est un esthète talentueux. Découpé, cadré et photographié (dans un bel abus de filtres bleutés et orangés) avec un soin maniaque, FLASHDANCE est une œuvre séduisante, un régal pour les yeux. Enchaînant sans temps morts les numéros dansés, les montages d'entraînements et des instantanés de la vie quotidienne de son héroïne, le film d'Adrian Lyne symbolise la quintessence de ce que l'on appellera très schématiquement par la suite le "cinéma MTV" (du nom de la très populaire chaîne qui diffuse les clips vidéos des groupes à la mode en boucle). Ainsi, avec ses ambiances et ses images léchées, son casting jeune et sexy (et totalement oublié depuis, à l'exception de Jennifer Beals, icône lesbienne de la série THE L WORD)  et son histoire simpliste qui mélange bluette et success story pour mieux ratisser large, FLASHDANCE se révèle n'être qu'un écrin de très grand luxe pour sa bande son (signé Georgio Moroder, entre autres) qui s'écoulera à plus de vingt millions d'exemplaires de par le monde. Un peu à l'image de ces films qui, au début des années 60, mettaient Elvis Presley en scène dans le seul but de faire vendre des albums, mais avec un budget, des ambitions (carrément déplacés mais bien présentes) et une exécution de série A. 


Cette formule, couronnée de succès, Jerry Bruckheimer et Don Simpson se sont par la suite appliqués à la reproduire plus que de raison, révélant au monde du 7ème Art d'autres talents venus de la clip et la publicité, de Tony Scott à Michael Bay, en passant par les nettement moins fréquentables mais foutrement sympathiques Martin Brest (LE FLIC DE BEVERLY HILLS et MIDNIGHT RUN, on oublie le reste ?) et Simon West (LES AILES DE L'ENFER, LE DESHONNEUR D'ELISABETH CAMPBELL). De nos jours, des films (des produits ?) telles que BAD BOYS ou encore PIRATES DES CARAÏBES, bien qu'ils opèrent dans des genres différents, sont issus du même moule et poursuivent les mêmes buts : engranger des centaines de millions de dollars autour d'un "concept" calibré. Revoir FLASHDANCE aujourd'hui, c'est assister, en quelque sorte, à un "Bruckheimer Begins". Artistiquement et commercialement parlant, ce n'est pas rien tout de même !
 
Alan Wilson

7 SECONDES EN ENFER / HOUR OF THE GUN (1967) DE JOHN STURGES - LA CRITIQUE

Le mercredi 26 octobre 1881. Tombstone, Arizona. Il est environ trois heures de l'après-midi lorsqu'une fusillade éclate entre, d'une part, les cowboys Billy Clayborne, Ike Clanton et son petit frère Billy et les frères Tom et Frank McLaury, et, d'autre part, les représentants de la loi que sont Doc Holliday et les frères Earp, Virgil, Morgan et Wyatt. Une trentaine de coups de feu sont échangés en 30 secondes. Trois morts chez les cowboys (Billy Clanton et les MacLaury) tandis que les Earp, à l'exception de Wyatt, finissent blessés. 30 secondes seulement mais qui auront des conséquences durables. Et légendaires aussi, la fusillade devenant la plus célèbre de l'histoire déjà très violente de l'Ouest Américain. 

Cet épisode, John Sturges le porte ici à l'écran pour la seconde fois, 10 ans après le très romancé et très hollywoodien GUNFIGHT AT THE OK CORRAL. Burt Lancaster y interprétait Wyatt Earp et Kirk Douglas, Doc Holliday. HOUR OF THE GUN commence d'ailleurs là où se terminait GUNFIGHT AT THE OK CORRAL, par la fameuse fusillade. Et, pour bien se différencier de son prédécesseur, revendique une véracité historique indiscutable (la phrase "C'est ainsi que ça s'est passé" s'inscrit fièrement à l'écran à l'issue du générique d'ouverture). A l'exception notable du portrait hautement fantaisiste qui est fait de Ike Clanton (bien loin, dans la réalité, du leader criminel friqué et froid joué par Robert Ryan) et de son funeste destin, on s'écarte de la légende. La scène où les Earp doivent se justifier de leurs actes au cours d'un procès, bien véridique, participe efficacement de cette démarche de réalisme. Ce qui interesse Sturges, c'est le détricotage du mythe pour mieux examiner la spirale de la violence. Chaque mort en entraîne d'autres. Chaque coup de feu est un péché supplémentaire qui vient peser sur la conscience troublée des protagonistes. Les divers affrontements ne sont jamais iconisés par la caméra. Le drame, toujours filmé à hauteur d'hommes, cultive même l'ambiguité morale. Pour comprendre ce qui a entraîné le règlement de comptes initial, le spectateur ne dispose que de bribes d'informations. Des menaces de mort, une querelle. Un flou volontaire qui nous rappelle qu'il en fallait bien peu pour que la poudre parle en cet époque trouble. Le "héros", le Wyatt Earp incarné par James Garner (dans son meilleur rôle tout simplement) ne se veut d'ailleurs guère irréprochable. Il a beau afficher la tenue et la posture de l'homme de loi droit dans ses bottes, il n'en demeure pas moins enclin à la vengeance la plus impitoyable et au doute permanent. Un paradoxe ambulant, très loin du Wyatt Earp souvent idéalisé. Un meurtrier ou un justicier ? Un peu des deux. 

C'est un western remarquable que le réalisateur des SEPT MERCENAIRES signe donc là, complexe, violent mais aussi touchant dans sa description de l'amitié liant Doc Holliday (Jason Robbards, fabuleux), joueur et tueur professionnel mourant de la tuberculose, et Wyatt Earp. Certaines de leurs scènes en commun offre au film ses rares moments de quiétude et d'humour. Le tout dans un cinemascope impeccable, cadré avec soin et porté par le score mémorable de Jerry Goldsmith. Il n'est d'ailleurs pas interdit de voir dans HOUR OF THE GUN l'une des influences majeurs du UNFORGIVEN de Clint Eastwood, lui aussi attaché à montrer la violence de l'Ouest sous un angle tragique et fataliste.  

Alan Wilson

lundi 26 janvier 2015

PHOTO DE TOURNAGE - BEN-HUR

Charlton Heston, Stephen Boyd et le réalisateur William Wyler sur le tournage de BEN-HUR.

dimanche 25 janvier 2015

HUNGER GAMES : L'EMBRASEMENT / THE HUNGER GAMES : CATCHING FIRE (2013) DE FRANCIS LAWRENCE - LA CRITIQUE

Comment !? Une critique d'HUNGER GAMES : L'EMBRASEMENT qui déboule comme ça, alors que l'on a même pas parlé du premier volet ? Bon, si il n'y a que ça pour vous faire plaisir, on va en parler du film de Gary Ross sorti en 2012. Une seule phrase devrait suffire. Bon. Pouf Pouf ! Non content d'être un plagiat sans saveur et sans talent de BATTLE ROYALE, HUNGER GAMES est aussi, et surtour, un blockbuster pour ados mal foutu à la laideur assez incroyable. 


Parlons de la suite à présent, un tout autre film. Un tout autre animal. Enfin presque. Parce que, en dehors de la forme, indéniablement plus soignée, le fond lui reste toujours aussi ... inexistant. En substance, les thèmes que brassent HUNGER GAMES au travers des aventures de Katniss (Jennifer Lawrence, pas mauvaise mais loin d'être à la hauteur de la hype qui l'entoure), une adolescente devenant malgré elle le porte étendard de la révolution des 12 districts (très très pauvres) contre le Capitole (très très riche) dans la société future et dystopique de Panem, n'ont rien de légers et visent la parabole universelle et intemporelle. La lutte contre un opresseur violent et férocement capitaliste, la déshumanisation des classes les plus pauvres, les manipulations médiatiques et les responsabilités et les compromis qui marquent l'entrée dans l'âge adulte. Pas du petit lait tout ça. Seulement voilà, si je ne peux pas parler des livres (que je n'ai pas lu), c'est un doux euphémisme que de dire que la version pour le grand écran est tellement lisse et propre sur elle qu'il ne reste plus qu'une série de péripéties parfaitement mécaniques et directement héritées d'une série TV quelconque. Les héros sont tous des beaux gosses et des bimbos bien bâti(e)s alors qu'ils sont sensés être pauvres et crever la dalle. La caricature des médias est grotesque, simpliste et innofensive (Stanley Tucci avec sa moumoute et son sourire ultra-bright, grosse barre de rire à l'horizon). Quant à la violence, elle évite systématiquement d'être frontale privilégiant des hors-champs lassants. Bref, l'art et la manière de ne choquer personne et de laver toujours plus blanc. Vu le sujet, c'est quand même un comble. Dans ce contexte, difficile de transformer le plomb en or. Mais Francis Lawrence parvient tout de même à lui donner une apparence tout à fait présentable. Voir un certain brillant.
Un drôle de réalisateur ce Francis Lawrence. Un spécialiste du lifting sur pellicule. Le maître de la chirurgie esthétique pour projets boiteux et vérolés. CONSTANTINE, JE SUIS UNE LEGENDE, DE L'EAU POUR LES ELEPHANTS. Toute une carrière à illustrer avec le maximum de maîtrise et d'efficacité des scénarios foireux, dont les deux premiers sont des trahisons en règle du matériau d'origine. A chaque fois, le résultat avait de la gueule mais rien d'autre. Et maintenant, HUNGER GAMES : CATCHING FIRE. Et là encore, sa mise en image, ample, soignée, racée mais jamais ostentatoire permet de faire la différence et au film d'être plus que regardable, si ce n'est sacrément prenant par moments (l'entrée dans l'arène de Katniss en un seul travelling circulaire est même plutôt mémorable). La volonté de bien faire du cinéaste est à saluer donc. Mais, une fois son passage par la franchise HUNGER GAMES terminé, il serait temps qu'un producteur lui confie un projet avec un peu plus de matière et un script en bêton armé. Ce type a du talent. Qu'on arrête de lui demander d'enluminer de la merde.

Alan Wilson  

samedi 24 janvier 2015

ROAD TO PALOMA (2014) DE JASON MOMOA - LA CRITIQUE

ROAD TO PALOMA, c'est l'histoire de Wolf, un indien d'Amérique (un "native", je préfère ce terme) en fuite après s'être fait justice en envoyant ad patres l'assassin (et violeur) de sa mère. Ce beau gosse ténébreux (un peu comme l'auteur de ces lignes) vit de petits boulots, d'air pur et d'eau fraîche jusqu'au jour où, sentant l'étau du FBI se resserrer, il décide de prendre la route accompagné d'un ami. Avec la ferme intention de répandre les cendres de sa génitrice comme il se doit. Là où il se doit.


Si ce n'est son évidente présence physique et son charisme naturel, Jason Momoa n'a, jusqu'à présent, pas eu la carrière qu'il méritait. C'est le moins que l'on puisse dire. En dehors du barbare Khal Drogo de la série Game of Thrones, le reste n'est que du gâchis (le CONAN de Marcus Nispel, un rôle pour lequel il était pourtant taillé sur mesure, reste un grand rendez-vous manqué), sans intérêt particulier. Du coup, le choc ressenti à la vision de ce premier long-métrage humble et fascinant, n'en est que plus terrassant. Avec à peine 600 000 dollars de budget, la maîtrise du cinéaste débutant ne fait aucun doute. ROAD TO PALOMA est une oeuvre très personnelle, portée à bout de bras. Jason Momoa réalise, co-écrit (avec Jonathan HIrschbein et Robert Homer Mollohan, des amis proches), co-produit et tient le premier rôle. Sa propre femme et muse, Lisa Bonnet, y tient aussi l'un des rôles principaux, celui d'un (magnifique) amour de passage. Seule bizarrerie au générique de cette bande farouchement indépendante, la présence de la WWE (oui, la très populaire ligue de catch), plus habituée à débourser son pognon dans des actionners bas du front pour les musculeux John Cena, Steve Austin et autres Triple H. Gageons que, sur ce projet, la firme sous anabolisant s'est senti une âme de mécène éclairé.


C'est sous la forme d'un road movie à tendance biker, qui pourrait donner envie au plus faignant des critiques de le comparer au EASY RIDER de Dennis Hopper, que Jason Momoa déploie ses influences et ses ambitions. Seulement voilà, ROAD TO PALOMA n'est ni un manifeste hippie bobo moderne, ni même un film générationnel. Non. Ici, ce sont les esprits de Michael Mann et de Michael Cimino que l'on sent plâner au-dessus de chaque image, de chaque photogramme. On pense au DERNIER DES MOHICANS (et la présence de Wes Studi n'y est pas pour rien), au CANARDEUR (un peu) et à SUNCHASER (beaucoup). L'âme de l'Amérique originelle, grande, sauvage, libre, belle (magnifique photo capturant de splendides paysages naturels) et de ses premiers habitants hantent littéralement le métrage. Dès les premiers plans, le destin tragique de Wolf, filmé tel un fantôme errant dans le désert, à la frontière du jour et de la nuit, ne fait aucun doute. La caméra se fait flottante, incertaine, capturant de petits moments. Pourtant, malgré l'évidence de la tragédie qui nous pend au nez, le film ne sombre jamais dans la déprime auteurisante ou le nombrilisme arty. Malgré la violence et l'âpreté du monde illustré par cette histoire, point de misérabilisme. Il y a même de la joie, de sublimes envolées solaires disséminées ici ou là. Une empoignade virile qui ferait presque penser à celles qui parsemaient naguère le rigolard DOUX, DUR ET DINGUE avec l'ami Clint. Une rencontre amoureuse sensible, sensuelle, torride. Des retrouvailles en famille chaleureuses.
Sur 90 minutes bien remplies, ROAD TO PALOMA a tout de l'oeuvre d'un cinéaste aguerri et en pleine possession de ses moyens. On appelle ça un chef d'oeuvre, mesdames et messieurs. Tout simplement. Et si la lecture de ce billet vous a donné envie de voir ce film (c'est, du moins, ce que j'espère du fond du coeur), il va falloir quand même vous accrocher. Aux USA et dans une poignée de pays anglophones, ROAD TO PALOMA n'a eu droit qu'à une sortie en salle purement technique. En France, que dalle, nada, vous pouvez toujours rêver. Même pas une sortie en dtv ou en vod à l'horizon. Ne vous reste plus qu'à vous tourner vers un blu-ray US zoné A déjà disponible, un blu-ray anglais zoné B prévu pour avril 2015 ou encore Youtube où le film est souvent visible. Le tout sans le moindre sous-titre français. Va falloir s'impliquer, galérer, fouiner. Mais vous verrez, vos efforts seront largement récompensés.
Verdict : 6/6

Alan Wilson

LA PASSION DU CHRIST (Mel Gibson, 2004)


Il y a les films sur Jésus, et il y a le film de Gibson. J'aurais d'ailleurs pu arrêter là ma modeste critique, tant cette Passion Du Christ transcende le genre par ses choix narratifs et visuels, offrant au spectateur une expérience unique et il faut bien le dire véritablement intense, voire extrême... Mais creusons, ou plutôt enfonçons le clou si je puis m'exprimer ainsi.
Dans la préface du livre de photographies consacrées au film, "La Passion", Gibson explique la genèse du projet par ce qu'on pourrait appeler, et ce sans tomber dans le calembour miteux, comme une crise de foi. S'interrogeant sur le sens de sa vie, le réalisateur/acteur trouve dans la prière une réponse à ses interrogations : il va réaliser un film sur La Passion. Mais l'annonce du projet a de quoi effrayer, et ce pour une raison très simple. En effet, Gibson est ce que l'on peut appeler un catholique traditionaliste, voire intégriste, refusant les réformes instaurées par le Concile Vatican II. A peine la production du film mis en branle, des voix s'élèvent, craignant outre une vision obscurantiste des "évènements" (Gibson, outre les évangiles, choisit de puiser son inspiration dans les travaux d'une mystique controversée du XVIIIème siècle, Anna Katharina Emmerick, qui fut en son temps assaillie de visions et autres stigmates), un film aux vieux relents antisémites du type "les Juifs ont tué le Christ". Pour couronner (d'épines ?) le tout, Mad Mel annonce qu'il va tourner le film uniquement en hébreu, araméen et latin, arguant que les images parleront d'elles-mêmes par leur force évocatrice et qu'il paiera les 25 millions de dollars de budget de sa poche. Le pari s'avère donc plus que risqué mais va dépasser toutes les espérances du réalisateur et marquer l'histoire du cinéma d'une empreinte indélébile.
Formellement, l'expérience s'avère des plus radicales, tant l'auteur s'attache à ne rien occulter des souffrances d'un Jésus rapidement transformé en une plaie sanguinolente, et ce durant deux (très) longues heures parfois difficilement supportables, cruauté culminant dans deux scènes emblématiques, l'une concernant la flagellation, l'autre la crucifixion, écœurantes par leur durée, leur complaisance et leur intensité, mais surtout par l'utilisation d'effets spéciaux bluffants de réalisme, plaçant le spectateur dans une position de témoin pour le moins inconfortable. Mais comme l'avait très justement souligné un critique de l'époque, on parle d'un homme torturé au-delà de toute raison pour finir cloué sur une croix, pas d'une promenade bucolique comme le furent en leur temps certaines œuvres consacrées à un sujet similaire. Pour la première fois, une crucifixion est montrée dans toute son horreur, sa bestialité. Qu'importe alors finalement si Gibson prend de sévères libertés historiques ou narratives (les apparitions du Diable, la vision parfois biaisée de certains personnages, Pilate notamment), le film s'impose comme un incroyable voyage dans l'inconscient du réalisateur, poussant le vice jusqu'à filmer sa propre main tenant le marteau qui enfoncera le premier clou. Le message est clair, nous sommes tous responsables de la mort du Christ. Gonflé, mais d'une rare cohérence puisque le réalisateur y voit l'acte ultime d'amour, la sacrifice suprême d'un individu pour toute l'humanité. D'un bout à l'autre magnifique, même dans ses excès, traversé d'éclairs à l'émotion palpable (sans tomber dans le chromo, la scène où Marie se précipite vers son fils sur le chemin du calvaire est bouleversante), La Passion Du Christ, même dans sa conclusion anecdotique (une résurrection rythmée par une musique quasi-guerrière) s'avère parmi l'une des expériences les plus jusqu'au-boutiste du cinéma. Tout simplement indispensable.

Sylvain Blanchard.

MUSIQUE DE FILM - ZULU DAWN (1979) COMPOSE PAR ELMER BERNSTEIN

Pour le plaisir des oreilles et pour inaugurer cette nouvelle rubrique (qui sera hebdomadaire), je vous propose de vous régaler à l'écoute de cette suite musicale résumant assez efficacement la richesse et la beauté du score signé par Elmer Bernstein (LES DIX COMMANDEMENTS, LES SEPT MERCENAIRES ou encore LA GRANDE EVASION pour ne citer que des classiques) en 1979 pour cette préquelle tardive au ZOULOU de Cy Enfield. L'ULTIME ATTAQUE (ZULU DAWN en vo), réalisé par Douglas Hickox raconte la lourde défaite infligée aux troupes coloniales anglaises par les guerriers zoulous sur la colline isolée d'Isandhlwana (Afrique du Sud) en 1879. Si le film, bien que sympathique, n'a rien d'inoubliable, la musique du maestro Bernstein est en revanche une véritable pépite. Incroyablement western dans l'âme, elle orchestre la confrontation entre la puissance militaire britannique et le souffle guerrier enragé des zoulous du roi Cetshwayo, chacun ayant son thème respectif. Trève de blabla, place à la musique.





 

jeudi 22 janvier 2015

MAMA (2013) DE ANDRES MUSCHIETTI - LA CRITIQUE (EXPRESS)

Drôle d'objet hybride que ce MAMA là. Pour son premier long-métrage, le cinéaste argentin Andres Muschietti adapte (luxueusement) son propre court-métrage du même titre. Avec Guillermo del Toro à la production et la très demandée Jessica Chastain en tête d'affiche, voilà qui semblait tout de même très prometteur. MAMA, c'est donc l'histoire de deux fillettes orphelines, Victoria et Lily, revenues à l'état sauvage après avoir passé cinq longues années dans une cabane perdue dans les bois. Retrouvées et placées sous la garde de leur oncle, elles réapprennent à vivre tant bien que mal. Mais Mama, la créature (imaginaire ?) qui s'est occupé d'elles pendant tout ce temps les a suivies et, jalouse, continue de veiller au grain.

 
90 minutes durant, MAMA est un film qui hésite sur la forme à prendre. Drame familial, conte gothique, ou bien film de fantôme sous forte influence asiatique ? Un peu de tout ça en fait. La liste des influences est longue comme le bras (RING, L'ORPHELINAT, L'ECHINE DU DIABLE, L'EXORCISTE, THE GRUDGE, EVIL DEAD pour les plus évidentes). Des influences plutôt bien digérées, le style de Muschietti, énergique et racé, ayant une personnalité suffisante. Là où le bât blesse c'est que, suivant les pistes narratives empruntées par le cinéaste, le résultat oscille entre le vraiment passionnant et le tristement prévisible. Quand l'histoire se concentre sur les relations entre les deux petites filles traumatisées et le personnage d'Annabel (Jessica Chastain donc), mère adoptive contre son gré, le film atteint des sommets, mélange assez remarquable de malaise et d'émotion, de tension et de tendresse. Mais quand il s'agit de résoudre le mystère de Mama et d'aligner les jump scares vues mille fois ailleurs, là on en a plus grand chose à foutre et un ennui poli s'installe. 
Dommage. Mais si il faut juger d'un film par la qualité de sa conclusion, ici superbement lyrique, alors MAMA ne s'en sort pas trop mal et Andres Muschietti est un cinéaste à suivre.

Verdict : 3/6.

Alan Wilson   

ELYSIUM (2013) DE NEILL BLOMKAMP - LA CRITIQUE

Lorsqu'un premier long-métrage fait sensation, combinant succès public ET critique, comme c'était le cas de DISTRICT 9 en 2009, en réaliser un second s'apparente alors à une épreuve insurmontable, une embuscade dont seuls les plus talentueux peuvent s'en sortir plus ou moins indemnes. C'est triste à dire mais, avec ELYSIUM, le prometteur Neill Blomkamp tombe lourdement dans le piège. En joue ! Feu ! 

 
Soyons réalistes, les tares qui plombent ce nouveau film de science-fiction se trouvaient, déjà, en gestation dans le sympathique mais pas vraiment impérissable DISTRICT 9. Notamment une fâcheuse tendance à grossir le trait avec des bad-guys caricaturaux, pas vraiment en phase avec un cadre réaliste et politique exigeant un minimum de finesse. Dans ELYSIUM, c'est encore pire et il aurait été préférable que Blomkamp n'en signe pas le scénario tant celui-ci souffre de bêtise constante. Dans la société future qu'il nous présente, les gentils sont donc très pauvres et très malades et les riches très méchants et en très bonne santé. Les pauvres vivent en bas et les riches en hauts. Bienvenue dans la lutte des classes pour les nuls. Avec une telle mise en place, ELYSIUM est déjà mal barré pour atteindre son objectif, à savoir proposer de la science-fcition contestataire sérieuse dans la veine d'un SOLEIL VERT. Mais son cas s'aggrave encore un peu plus avec une ribambelle de personnages plombés par des psychologies incohérentes. Sacrément gratinés au départ, les méchants (mal) interprétés par Jodie Foster et Sharlto Copley virent subitement mégalomanes de pacotille. Parce qu'il semblerait qu'être sociopathe, meurtrier ou paranoïaque ne soit pas suffisant. Pas de quoi pavoiser chez les bons non plus. Matt Damon fait ce qu'il peut avec un personnage d'égoïste transparent mais qui se transforme en révolutionnaire altruiste selon l'humeur du moment et Alice Braga fait la potiche dans son rôle d'infirmière/mère courage. Et je ne vais pas me fatiguer à vous parler des personnages secondaires qui sont très très secondaires. 
En fait, le seul point sur lequel ELYSIUM ne déçoit pas, c'est celui de la direction artistique. Ce qu'il foire sur le papier, Blomkamp le soigne avec ses images. Riche, soigné par des effets spéciaux de haute volée, ELYSIUM a au moins le mérite de flatter la rétine. C'est peu, mais on s'en contentera.
Verdict : 2/6. 

Alan Wilson 

L'INSTANT MAGIQUE EN VO #4 - BRAVEHEART (1995)


mercredi 21 janvier 2015

LE VILLAGES DES DAMNES / VILLAGE OF THE DAMNED (1960) - LA CRITIQUE

Paisible bourgade de la campagne anglaise, Midwich se retrouve un beau jour plongée dans un coma collectif d'origine inconnue. Pour éviter une panique ou la curiosité des médias, l'armée parvient à garder l'affaire secrète. Pas une mauvaise idée. Outre une jolie gueule de bois, Midwich voit également l'intégralité de sa population féminine en âge de procréer avec un polichinelle dans le tiroir. Moins de neuf mois plus tard et une dizaine d'enfants viennent au monde. Des enfants blonds comme les blés qui grandissent à toute vitesse, télépathes et férocement intelligents. Des enfants sans émotion ou presque et dont le regard fait naître la peur.


Au panthéon des classiques de la science-fiction sur pellicule, LE VILLAGE DES DAMNES conserve une place de choix. Et il ne l'a pas volé. Avec sa mise en scène simple, réaliste, factuelle, le film de Wolf RIlla (également co-scénariste) cherche bien plus à convaincre et à terrifier durablement le spectateur qu'à l'impressionner sur le moment. Très peu de musique, des effets spéciaux discrets (une étrange lueur dans les yeux des enfants), une courte durée (77 minutes montre en main) qui interdit les excès dramatiques. La méthode est spartiate et bigrement efficace. Les premières minutes sont, à ce titre, exemplaires. Un simple plan d'ensemble et quelques notes à la naïveté pastorale suffisent pour croquer le cadre idyllique dans lequel l'histoire va se dérouler. Puis la musique cesse. Le protagoniste principal, Gordon Zellaby (George Sanders) se dévoile au détour d'un court dialogue d'une grande banalité, un homme dans la force de l'âge, élégant et cultivé, qui a des relations dans l'armée. Près de la cheminée, son chien roupille paisiblement. Rien de transcendant. Le train-train quotidien, immuable. Pas si immuable que ça en fait. Un sommeil soudain et profond pétrifie Zellaby et tous les autres habitants du village de Midwich. Même la caméra finit par se figer sur l'horloge du clocher de l'église, laissant le générique défiler dans un silence de mort. Une horloge qui, si on laisse son imagination courir un peu, semble déjà annoncer qu'une catastrophe est en cours et que le temps joue contre nous. La suite ne viendra pas nous contredire.
Une des autres particularités réjouissantes du VILLAGE DES DAMNES réside dans l'habileté du scénario à préserver ses mystères, ses zones d'ombres volontaires nourrissant la peur. La véritable nature et le projet des enfants ? Ils veulent fonder une colonie mais pour qui et pourquoi, on ne le saura jamais. SI une série particularités physiques révèlent que les enfants ne sont pas humains (leurs ongles, la racine de leurs cheveux, leurs yeux, leur métabolisme) rien ne vient non plus confirmer qu'ils soient purement extra-terrestres. Aucun nom de planètes (même imaginaires) n'est cité et lorsque les enfants se voient directement questionnés sur leurs origines, ils refusent catégoriquement de fournir une réponse. A la fantaisie de l'explication à tout prix, habituellement de mise, Wolf Rilla préfère sagement le silence. Il nous force à nous poser mille questions. La solution nous échappe systématiquement. Bienvenue au doute. Bienvenue à l'angoisse.


Malgré son demi-siècle passé, LE VILLAGE DES DAMNES ne vieillit pas, ou si peu. Seul le noir et blanc et le jeu à l'ancienne de son impeccable casting (dominé par le jeune Martin Stephens, le leader déterminé et sociopathe des enfants) témoignent de l'âge du film. Mais c'est tout. Car LE VILLAGE DES DAMNES n'a rien d'un film d'invasion extra-terrestre typique de la Guerre Froide. Ce n'est pas la peur du communisme soviétique d'alors qui est au coeur du projet. Juif allemand de par ses origines directes (son père a fui l'Allemagne Nazie pour la Grande-Bretagne), Wolf Rilla le comprend sans doute mieux que quiconque. Plus universel et intemporel que bon nombre d'autres péloches de l'époque, LE VILLAGE DES DAMNES traite du fanatisme, avec un regard froid et terrible. Avec son groupe d'enfants sans émotions, convaincus de leur supériorité, dirigés par un esprit de groupe contre lequel se heurte toutes les intentions (bonnes ou mauvaises) comme face à "un mur de briques", le film anticipe même le fanatisme religieux qui ensanglante la société actuelle. Tout commence par les enfants. S'ils sont foutus, tout est foutu. Le temps joue contre nous toujours, mais aussi contre eux. Ne reste plus qu'à commettre l'impensable, le plus horrible des sacrifices. 
Oui, croyez-moi, encore aujourd'hui, ce petit bout de film ne manquera pas de vous faire cogiter. Et frissonner aussi.
Verdict : 6/6.   

Alan Wilson

mardi 20 janvier 2015

LE JUSTICIER DE NEW YORK / DEATH WISH 3 (1985) - LA CRITIQUE (EXPRESS)

Je vous le dit tout de suite, ça va pas être facile de livrer une critique de ce machin en gardant son sérieux. Mais on va quand même essayer. Où en étais-je donc ? Ah oui ! LE JUSTICIER DE NEW YORK ! Troisième volet des aventures réactionnaires et improbables de Paul Kersey, le justicier le plus impassible et moustachu du monde. Sixième et dernière collaboration entre l'acteur Charles Bronson et le cinéaste vicelard Michael Winner. Une apothéose de folie sécuritaire, un feu d'artifice de connerie. 


Au chiottes la psychologie, l'ambiguité, le réalisme poisseux ou même un scénario. Place à un défouloir cartoonesque sans retenue. Au accents d'un score rock-pop fm ringard au possible, Winner grille tous les feux rouges de la bienséance et livre New York à des hordes de voyous peinturlurés, le plus souvent noires ou latinos, toujours violeurs, voleurs et assassins. De vrais animaux quoi ! Heureusement, papy Bronson, toujours vert et lourdement armé (il a même un bazooka et il s'en sert le salaud !), se propose d'euthanasier les sauvages, avec la bénédiction du voisinage et de la police. 
Bref, si vous vous demandiez quoi regarder pour un réveillon du jour de l'An avec Eric Zemmour et les Le Pen, voilà le film rêvé (cauchemardé devrai-je dire). Mais c'est pas fini comme le dit la pub, LE JUSTICIER DE NEW YORK pouvant également régaler les trekkies pervers puisque l'on y voit Marina Sirtis (alias Deanna Troi dans LA NOUVELLE GENERATION) s'y faire entreprendre sans vêtements et sans consentement non plus, mais aussi les amateurs de bisseries aussi nazes que foncièrement drôles. Une certaine idée (tordue) du bonheur (tordu lui aussi).
Verdict : 154/6 (soit le nombre total de victimes dans le film).

Alan Wilson

jeudi 15 janvier 2015

ZOULOU / ZULU (1964) DE CY ENDFIELD - LA CRITIQUE

Rendons à César ce qui appartient à César. Bien que peu connu dans nos contrées, sans doute en raison d'une histoire à l'identité fortement britannique, le western guerrier de Cy Endfield est une oeuvre dont l'influence est colossale. Un petit état des lieux si vous le voulez bien (et même si vous ne voulez pas). Sans ZOULOU, John Carpenter ne serait pas le même, lui qui y a puisé son amour du format scope, des films de siège virils et du travelling opératique. Sans ZOULOU, Peter Jackson n'aurait sans doute pas trouvé l'inspiration idéale pour les monumentales scènes de bataille de sa saga de la Terre du Milieu en général et pour le siège de Helm's Deep en particulier. Sans ZOULOU, il est évident que Paul Verhoeven n'aurait pas su donner la même ampleur et la même efficacité immédiate à l'une des scènes les plus mémorables de son belliqueux STARSHIP TROOPERS, à savoir la défense par une poignée de trouffions d'un minuscule fort menacée par des milliers d'arachnides. Je pourrai continuer encore longtemps mais je me contenterai de citer James Cameron, Steven Spielberg, John McTiernan et Michael Mann parmi les nombreux cinéastes qui, au détour d'une scène ou même simplement d'un plan, n'ont jamais manqué de payer leur tribut à ce classique indéboulonnable. Sacrée liste, n'est-ce pas ? 


A la base de ZOULOU se trouve une incroyable histoire vraie. C'est à la fin du mois de janvier 1879 qu'une centaine de soldats anglais eurent l'incroyable courage de défendre la mission de Rorke's Drift contre 4000 guerriers zoulous galvanisés par leur victoire écrasante quelques heures plus tôt à Isandhlwana (où les Anglais perdirent 1700 hommes !). Malgré leur très large infériorité en nombre, les hommes commandés par les lieutenants John Chard et Gonville Bromhead remportèrent après une résistance acharnée une victoire inespérée. Jamais autant de Victoria Cross, les plus importantes décorations militaires britanniques, ne furent remises en une seule fois. Une telle histoire ne pouvait qu'inspirer un fim un jour où l'autre. Et c'est donc dans les yeux de Cy Endfield, réalisateur et scénariste américain, et Stanley Baker, acteur et producteur gallois, qu'elle a finit par taper. ZOULOU, c'est leur bébé, trait d'union parfait entre le western à l'américaine et le récit d'aventure colonial à l'anglaise. En lieu et place des pistoleros de l'Ouest et des indiens des grandes plaines se trouvent des soldats au flegme typiquement british et la machine de guerre zoulou. 


Si le style d'Endfield, à base de plans larges à la profondeur de champ hypnotisante et à la composition stupéfiante, de travellings d'une élégance folle et d'un sens de la géographie inné, fonctionne si bien c'est essentiellement grâce à un scénario en bêton armé. Si les zoulous n'ont besoin que de quelques minutes d'introduction pour s'imposer comme une force de frappe à la bravoure et à l'unité sans faille, les défenseurs de Rorke's Drift, groupe très disparate malgré leur uniforme commun, vont nécessiter trois bons quart d'heure de métrage pour s'imposer à l'esprit du spectateur. Trois bons quart d'heure pour croquer, détails après détails, de fabuleux individus forcées de s'unir pour survivre, forcées de se battre pour acquérir de la bravoure aux yeux de leurs opposants. Trois bons quart d'heures pour faire monter la sauce et créer du suspense également. Une mécanique narrative qui s'acharne à annoncer un desastre, un massacre impie aux yeux d'un prédicateur suédois pacifiste et porté sur la bouteille et de sa fille coincée. Et lorsque la bataille éclate enfin, elle ne déçoit pas. Le spectacle, riche en morceaux de bravoure, a fière allure dans un scope flamboyant et aux accents du score martial de John Barry.
ZOULOU est l'un des chefs d'oeuvres définitifs du cinéma d'aventure, à la modernité insolente malgré son demi-siècle d'existence déjà dépassé. Omettre de le voir et se prétendre cinéphile serait tout simplement une hérésie. Sir, yes Sir !
Verdict : 6/6.

Alan Wilson
  

L'INSTANT MAGIQUE EN VO #2 - LETHAL WEAPON (1987)


mercredi 14 janvier 2015

UN JUSTICIER DANS LA VILLE 2 / DEATH WISH 2 (1982) DE MICHAEL WINNER - LA CRITIQUE (EXPRESS)

Curieuse (mais juteuse) idée que de vouloir donner une suite à l'ambigu DEATH WISH (1973), ce premier film se suffisant à lui-même. Le film de justicier (ou vigilante movie pour les initiés - bienvenue au club) supporte très mal de basculer dans l'exploitation pure, sa crédibilité morale risquant de se perdre. Néanmoins, le réalisateur Michael Winner et sa star Charles Bronson accepte de remettre le couvert, chapeautés par la Cannon de Menahem Golan et Yoram Globus alors à la recherche de franchises facilement rentables. 


Complaisant et d'un mauvais goût certain, le résultat ne laisse aucun doute sur les visées financières de l'opération. Adieu l'ambiguité, adieu la crédibilité. Charismatique et fantomatique à la fois, Charles Bronson endosse à nouveau la défroque de Paul Kersey (l'architecte interdit de bonheur familial le plus poissard qui soit) et se transforme en fonctionnaire zélé de l'auto-justice, avec la bénédiction de la population reconnaissante qui plus est. Pour justifier le passage à l'acte et les exécutions sommaires de Kersey, Winner force le trait de sa racaille (parmi lesquels on reconnaîtra Laurence Fishburne en pleine crise de cabotinage) et prend son pied à les filmer dans de longues et sordides scènes de viol. Bien sûr, pour aggraver leur cas, les salopards en question se droguent, tuent, agressent et volent à tout va. Un vrai fantasme de journaliste de Fox News sous cocaïne ma bonne dame !!! Et tout ça dans un premier degrès hallucinant !!!!
Reconnaissons tout de même au cinéaste une efficacité certaine dans l'action. C'est dynamique, sans le moindre temps mort et cadré avec une sécheresse remarquable. 
Avec un brin d'humour cartoonesque, on aurait pu en rire. En l'état, c'est quand même bien indéfendable. Vivement la suite ?
Verdict : 2/6. 

Alan Wilson 

CYBORG (1989) D'ALBERT PYUN - LA CRITIQUE

J'espère que vous ne m'en voudrez pas mais j'ai une confession à vous faire. Une confession un peu honteuse, diront même certain. Voilà, j'avoue, CYBORG, ce nanar avec du JCVD dedans, réalisé par le stakhanoviste Albert Pyun pour le compte d'une Cannon Films sérieusement sur le déclin, oui ce "machin là" est l'une de mes plus précieuses madeleines de proust. Mon premier JCVD. Mon premier post-apo (avant Mad Max oui). Mon premier film bis. Quand j'y repense, il s'agit bel et bien là des fondations même du versant le plus déviant de ma cinéphilie. J'avais dix ans et à cet âge là, on a bien de la chance de ne pas encore avoir de goût.



24 ans plus tard, après y avoir si souvent songé, je me suis enfin décidé à revoir le film, la peur au ventre. La peur d'être déçu, d'être forcé de me rendre compte que j'étais tombé en admiration devant une sombre merde. Au diable ! Être cinéphile, ça exige de faire des sacrifices. J'ai donc fouillé les méandres d'Amazon, localisé l'objet du délit et fait chauffer (modérément) la carte bleue.
Donc ? Trêve de suspense, cette petite bande fauchée aligne de sacrées tares. 500 000 dollars de budget, un tournage express d'une vingtaine de jours et un résultat si catastrophiques lors des projections test que le karatéka belge dut reprendre en personne le montage à zéro pour le transformer en actioner lambda mais néanmoins "regardable". En résulte une interprétation générale variant du très mauvais au calamiteux, un montage qui étire et multiplie les flash-backs pour combler les trous, une musique synthétique d'un goût douteux et qui fait souvent saigner des oreilles, sans oublier des décors de cités ravagés très souvent cadrés serrés pour ne pas trop révéler leur pauvreté, et deux malheureux matte paintings périmés en guise d'effets spéciaux.  
Et pourtant. Et pourtant, il est indéniable qu'il se dégage de CYBORG une ambiance de fin du monde assez unique. Quelques ralentis classieux, cette belle idée de donner aux protagonistes des noms de guitares électriques (Fender, Gibson, Pearl) un minimalisme étrangement abstrait et une violence parfois bien gratinée font leur petit effet. Surtout, il s'agit là de l'hommage le plus innatendu et surement totalement involontaire au FIST OF THE NORTHSTAR (oui, KEN LE SURVIVANT) de Buronson et Tetsuo Hara. Même héros taciturne balafré et adepte des arts martiaux, mêmes malabars musclés et vociférants, même fétichisme apocalyptique. Troublant et jouissif. Citons enfin, pour conclure, que le film se fend aussi d'une des scènes de crucifixion les plus iconiques du cinéma. Voir Van Damme sauvagement crucifié au mât d'une épave de bateau perdue sur une terre ferme ravagée, hurlant longuement sa douleur et sa colère, vous me croirez si vous voudrez, mais ça fait son petit effet. 

Verdict : 3/6.    

Alan Wilson

L'INSTANT MAGIQUE EN VO #1 - A LEAGUE OF THEIR OWN (1992)


BEN STILLER : UN REALISATEUR QUI FAIT L'ACTEUR (ET PAS LE CONTRAIRE)

Ne laissez pas les succès de MARY A TOUT PRIX ou de la franchise LA NUIT AU MUSÉE vous aveugler. Ben Stiller n'est pas juste un pitre de plus dans le paysage de la comédie américaine. Il vaut mieux que ça et sa carrière de cinéaste parle pour lui. 
L'histoire de Ben Stiller réalisateur commence en 1989 avec le moyen métrage parodique et foutraque ELVIS STORIES. Avant même son cultissime BEN STILLER SHOW que diffusa MTV entre 1992 et 1993. En à peu près 30 minutes, il s'attaque avec humour et tendresse à tous ces mythes et légendes urbaines entourant le King. Une vraie note d'intention durant laquelle Stiller s'efface derrière son sujet et affiche son amour des losers qu'il ne va cesser de traiter comme des chenilles sur le point de se transformer en papillon. La gaucherie et l'absurde ne sont jamais des prisons ou des étiquettes réductrices mais bien des chrysalides perpétuelles. Déjà, Ben Stiller le hurle à son public : je ne suis pas ce que vous croyez.



La suite s'appelle REALITY BITES (GENERATION 90 au pays du camembert), sort en 1994 et prend la forme d'une chronique douce amère sur l'entrée dans l'âge adulte. Le sujet idéal pour un premier long-métrage. Ethan Hawke et Winona Ryder y sont en tête d'affiche avec Stiller lui-même. Si les critiques sont mitigées (et elles le seront chaque fois que Ben Stiller passera derrière la caméra), le film obtient néanmoins un joli succès d'estime en triplant sa mise. Le SIDA, l'homosexualité, le risque constant de perdre son identité et ses valeurs sont les thèmes explorées par le cinéaste. Le film fait sourire (parfois) et émeut (souvent) et s'avère soigné sur la forme. Une belle carte de visite en somme. Mais que le public va bien vite oublier au profit de MARY A TOUT PRIX en 1998, le carton tendre et crétin des frères Farrelly. Stiller qui aime tant les perdants discrets et les clowns tristes en devient la figure ultime.



Entre temps, il aura déjà réalisé THE CABLE GUY (1996) avec, justement, Jim Carrey en tête d'affiche, l'autre "muse" des frères Farrelly. Stiller n'y joue qu'un rôle très secondaire mais révélateur d'ex-enfant star accusé du meurtre de son frère jumeau et dont le procès télévisé sert de fil rouge à toute l'histoire. Derrière chaque sourire se cache donc une frustration, une psychose meurtrière. Poussé dans ses retranchements, le jeu outrancier de Jim Carrey fait plus peur que sourire. Il y interprète un technicien du cable dont la solitude maladive le pousse à envahir la vie d'un trentenaire (Matthew Broderick) transparent et malheureux en amour. Pour mieux illustrer son propos (de l'influence de la télévision sur nos vies), Stiller abandonne le style élégant de REALITY BITES et sa photo soignée pour une forme volontairement télévisuelle, sitcomesque même. Les décors de la vie de tous les jours sonnent volontairement faux, trop propres pour être vrais. C'est confirmé, Ben Stiller est un caméléon et son style est sa méthode : épouser le sujet du film pour mieux tromper son monde. 



ZOOLANDER (2001) continue sur cette lancée. Le réalisateur/acteur magnifie la stupidité et la méchanceté du milieu de la mode et de tous ses personnages en filmant le tout avec une élégance colorée et clippesque. C'est hilarant et cruel à souhait. Les acteurs sont en roue libre comme des mannequins livrés à eux-même et boostés par leur égo. Owen Wilson brille comme jamais dans des impros fabuleuses. Mais le succès est modeste. Dommage.



Il faut attendre 5 ans pour que Ben Stiller repasse derrière la caméra avec TROPIC THUNDER, le succès de LA NUIT AU MUSÉE lui offrant à nouveau la confiance des financiers. Et que fait l'acteur/réalisateur de ce pouvoir retrouvé ? Il attaque Hollywood par le biais de ses stars toutes puissantes et emballe le tout en rendant hommage à APOCALYPSE NOW et son célèbre making-of HEARTS OF DARKNESS, récit édifiant d'un tournage malade. Les stars de comédies prout-prout, les rappeurs qui s'imaginent acteurs, les intégristes de l'actor's studio et les stars de films d'action en quête de respectabilité, tous en prennent pour leur grade avec une férocité géniale mais suicidaire, le film ne faisant que moyennement rire l'usine à rêves. Tom Cruise, star parmi les stars, vient lui-même enfoncer le clou en incarnant, méconnaissable, un mogul de studio gras comme un cochon et ordurier comme rarement. Un régal. Un autre trait de génie ? Avant même de débuter son histoire, Stiller balance une poignée de fausses bandes annonces et de fausses pubs truculentes. Toutefois indigeste par moments, le film reste sans concessions et tout bonnement indispensable. 



Encore cinq années passent et voilà que déboule THE SECRET LIFE OF WALTER MITTY, nouvelle adaptation de la nouvelle du même nom de James Thurber, écrite en 1939 et déjà adapté au cinéma en 1947 avec Danny Kaye dans le rôle titre. Le film de Stiller n'a pour autant rien à voir avec cette version précédente. Pour la première fois depuis REALITY BITES, le cinéaste abandonne la comédie pure au profit d'une émotion héritée des classiques de Frank Capra. Certes, les éclats de fantaisie débridée persistent mais Stiller privilégie l'aventure et livre une ode à l'accomplissement personnel trop souvent emprisonné dans le carcan du virtuel et des idées reçues. Magnifiquement filmé et interprété, réellement émouvant dans sa défense de la vie avec un V majuscule (c'est pas pour rien que le héros bosse pour Life Magazine), THE SECRET LIFE OF WALTER MITTY peut sans peine être considéré comme le sommet de la carrière protéiforme et insaisissable de Ben Stiller réalisateur.



On attend donc la suite avec impatience. Et ce pourrait être une nouvelle adaptation du PINOCCHIO de Carlo Collodi. On peut être sûr d'une chose, quelque soit l'angle d'attaque choisi, Ben Stiller va continuer d'avancer masqué pour mieux surprendre son monde. 

Alan Wilson