Blog cinéma d'utilité publique

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lundi 2 février 2015

PROMETHEUS (2012) DE RIDLEY SCOTT - LA CRITIQUE



30 années séparent PROMETHEUS, libre préquelle d'ALIEN, fleuron indiscutable du cinéma de science-fiction et source d'une inspiration toujours vivace, de BLADE RUNNER, l'autre fleuron indiscutable du cinéma de science-fiction et source d'une inspiration encore plus vivace. 30 années bien remplies pour le cinéaste britannique sir Ridley Scott, sa soif de défis et d'éclectisme l'ayant pousser à imprimer sa marque d'esthète hors pair sur des genres aussi variés que l'héroic fantasy, le film noir, le thriller hard boiled, le road-movie féministe, l'épopée historique, le péplum, l'horreur, le film de guerre et même la comédie romantique (avec le tristement méprisé UNE GRANDE ANNEE, mais j'y reviendrais un de ces jours). Pourtant, durant tout ce temps, l'espoir de le voir revenir à la science-fiction, le genre qu'il a révolutionné, son genre de prédilection, demeurait. Le réalisateur lui-même avouait être toujours dans l'attente du projet idéal pour refaire un saut dans le futur. Seules les opportunités manquaient à l'appel.  

2009. La 20th Century Fox, ne sachant pas trop comment relancer la (juteuse) franchise Alien après trois films aux résultats critiques et/ou publics plus ou moins catastrophiques (le Jeunet et les deux crossovers pitoyables avec PREDATOR) propose à Ridley Scott de revenir pour signer un cinquième opus. Refus poli du cinéaste qui estime, à juste titre sans doute, que le xénomorphe d'HR Giger ne fait plus peur. Mais la Fox insista tout de même. C'est alors que Ridley Scott y voit une occasion en or. La mode étant aux reboots, pourquoi ne pas revenir en arrière ? Pourquoi ne pas explorer d'autres pistes ? Le mystérieux space-jockey, gigantesque alien momifié découvert par les membres du Nostromo dans le film original de 1979, lui offre un carrefour. L'image est mythique, indélibile, et charrie son lot de mystères. Qui est cet extra-terrestre siégeant, mort depuis sans doute des centaines (des millers ?) d'années, au-dessus d'une salle titanesque remplie d'oeufs monstrueux ? Etait-il le pilote de l'épave découverte sur LV-426 ? Ridley Scott sait qu'il y a là toute une mythologie à developper et un univers au potentiel suffisant pour alimenter non pas un mais plusieurs films. La Fox est séduite et accepte de lancer le projet. Après une longue période d'écriture, de design et de casting, le tournage débute en mars 2011 et dure 82 jours. Les infos filtrent au compte-goutte. Le film s'appelle PROMETHEUS, il est tourné en 3D native et la construction en dur de décors immenses rassurent les allergiques au tout numérique.  

2012. A quelques semaines seulement de la sortie du monstre, la planéte cinéma retient son souffle. Oui, Ridley Scott est de retour aux manettes d'un grand film de science-fiction, excroissance intrigante de la saga qu'il a jadis initié avec talent, et avec un beau casting de stars qui plus est (Noomi Rapace, Michael Fassbender, Charlize Theron). Les bandes annonces, très réussies, et une campagne internet ingénieuse (à base de vidéos développant l'univers autour du film) sont parvenues à faire monter la pression comme jamais. La critique a aiguisé ses couteaux et s'attend à louer (ou à crucifier) le film.
A l'arrivée, la déception de beaucoup s'expriment violemment, sur le net et ailleurs. Critiques et spectateurs sont divisés. Mais l'essentiel est là, à défaut d'être un raz de marée au box-office, PROMETHEUS est un joli succès et une suite est mise en chantier.
Nous sommes en 2015. On ne sait toujours pas si PROMETHEUS 2 verra ou non le jour mais le recul est suffisant pour juger des véritables qualités et défauts du 20ème long-métrage de Ridley Scott. Parce que l'attente démesurée qu'il a suscité est à l'origine de quelques injustices qu'il est bon de rectifier. 
S'il est un point sur lequel tout le monde est d'accord, c'est que PROMETHEUS est d'une sophistication formelle estomaquante. Comme c'était déjà le cas pour ALIEN et BLADE RUNNER, la direction artistique de PROMETHEUS ne souffre d'aucune concurrence. Photo, décors, effets spéciaux, costumes sont irréprochables, riches de milliers de détails, le résultat d'un soin maniaque devenu la marque de fabrique du cinéma de Ridley Scott. Les amoureux de sf hardcore sont aux anges. Le film est un régal esthétique de chaque instant. Et sa 3D, rarement mentionnée, peut lui permettre de s'inscrire au palmarès des métrages ayant le plu judicieusement fait usage de la technologie du relief.

L'interprétation de l'androïde David par Michael Fassbender est elle aussi l'objet de louanges unanimes. Jamais deux sans trois. Après le Ash de Ian Holm dans ALIEN et le Roy Batty de Rutger Hauer dans BLADE RUNNER, Ridley Scott met sur pied un autre personnage marquant d'homme artificiel. Oui, il est vrai que les meilleurs moments du film sont redevables à David. Un androïde ambigu, animé par des intentions difficiles à cerner. Sa loyauté envers son créateur et les autres membres de l'équipage du vaisseau qui donne au film son titre n'est jamais vraiment évidente. C'est un être artificiel qui cherche sa propre voie, ses propres croyances. Fassbender imprime à son personnage des nuances fascinantes. Face à lui, c'est un peu triste à écrire mais le reste de la distribution peine à exister. La faute à un trop grand nombre de personnages pas inintéressants en soit mais à peine esquissés. Quant à Noomi Rapace, malgré des efforts louables, son personnage de scientifique croyante et courageuse n'a pas l'étoffe d'une Ripley (oui, je fais la comparaison, c'était inévitable, non ?).
Venons en à la pomme de discorde. Le scénario. J'ai souvent lu et entendu qu'il était mauvais. Mal écrit et vide de substance. Ce n'est pas tout à fait vrai. Oui, il souffre de gros défauts mais la base est solide. Une base que l'on doit à Jon Spaihts. Il est l'auteur de l'histoire et des premières versions du scénario. Et des grands thèmes qui fournisse à PROMETHEUS son identité. Les Ingénieurs, une race d'extra-terrestre géant passés maîtres dans la création de formes de vies, sont une magnifique idée. Et le principe d'une expédition à l'autre bout de la galaxie pour que l'Humanité parvienne enfin à comprendre ses origines et rencontrer ses créateurs est ambitieux et excitant. Le problème vient des réécritures opérées par Damon Lindelof à la demande de Ridley Scott. Ne lui jetons pas trop la pierre, le bonhomme a prouvé qu'il était doué pour créer du mystère et pondre des rebondissements à la pelle. Seulement voilà, ce traitement de sérial très télévisuel sied bien mal à une fresque de science-fiction adulte et exigeante. Toute la seconde moitié du film enchaîne les péripéties, les rebondissements inutiles et gratuits (faire de la présence de Weyland dans le vaisseau une surprise n'était pas nécessaire) et les racourcis narratifs hasardeux. Résultat pervers, le récit, déséquilibré par des accélérations trop brusque aurait nécéssité un montage rallongé d'une bonne vingtaine de minutes. Ce qui est un peu frustrant au final. PROMETHEUS raconte une grande et formidable histoire n'en déplaise aux pinailleurs et aux critiques de mauvaise foi, mais il est vrai qu'il la raconte de plus en plus maladroitement au fur et à mesure que les minutes passent.  

Si il serait un peu précipité de qualifier PROMETHEUS de "classique", une évidence s'impose néanmoins. A chaque nouveau visionnage, l'oeuvre se révèle on ne peut plus attachante et complexe. Si un remontage ne serait pas de trop, le film de Ridley Scott offre, en l'état, un spectacle d'un niveau très élevé et donne méchamment envie de découvrir la suite. Sir Ridley Scott, you are still the man !

Alan Wilson      

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