Bien avant que les prequels, reboots et autres origin stories
ne deviennent la mode pour un Hollywood dramatiquement à court d'idées,
LE SECRET DE LA PYRAMIDE mené par le trio Spielberg/Columbus/Levinson
défricha un terrain encore (relativement) vierge. Le défi était de taille :
rendre hommage aux récits et aux personnages mondialement célèbres de
Conan Doyle tout en gardant sa propre voix et en racontant une histoire
100% originale. La réussite est éclatante.
Le
soin apporté au scénario, aux décors, à la musique, aux effets spéciaux
et surtout au casting (sans le moindre acteur connu) constituent une
preuve de respect sincère envers les fans des aventures du célèbre
détective. Tout en enchaînant les énigmes tortueuses baignant dans une
ambiance victorienne du plus bel effet, l'histoire fait la liaison
entre un Sherlock Holmes méconnu, passionné et romantique, et le fin
limier froid et déshumanisé que l'on connaîtra plus tard. Pour ne pas
déroger à la tradition, l'histoire est contée par le docteur Watson, ami
et admirateur et le ton oscille entre le souvenir ému d'une jeunesse
pleines de promesses et une tristesse inhabituelle pour ce type de
grosses productions labellisées "tous publics".
Deux
axes dramatiques majeurs forment la colonne vertébrale de cette
histoire de vengeance et de malédictions venues de l'Égypte Antique. Tout d'abord, il y a l'histoire d'amour entre Holmes et Elizabeth (la
magnifique Sophie Ward) dont l'issue (forcément) tragique est à
fendre le cœur. C'est l'histoire d'un
jeune homme qui va apprendre à quel point aimer peut faire mal. Il y a
ensuite la relation de maître à élève entre ce même Holmes et le
mystérieux Rathe. Résumée à travers quelques regards remplis
d'admiration et de crainte et de longs duels d'escrime, cette seconde ligne narrative peut être considéré comme un écho de la première et renvoie le jeune détective en herbe à une
tragédie familiale. Au cours d'une des nombreuses scènes d'hallucination qui parcourt le film, il est révélé que
Holmes a trahi son propre père à cause de son insatiable curiosité.
Rathe prendra alors la place de père de substitution pour Holmes. En retour, ce
sera à Rathe de trahir Holmes. La boucle est bouclée et l'impossibilité
pathologique pour Sherlock Holmes d'accorder sa confiance à qui que ce
soit y trouve là sa source. Sous la caméra de Barry Levinson, le passage à
l'âge adulte de Sherlock Holmes se traduit par une perte de sentiments,
d'amour, d'amitié. Une victoire à la Pyrrhus en quelque sorte.
LE
SECRET DE LA PYRAMIDE étonne aussi par sa violence et son traitement de
l'effroi. Les hallucinations dont les membres de la secte égyptienne
vengeresse se servent pour pousser leurs victimes à la mort ne manquent
pas d'images marquantes. Statuettes de gargouilles aux griffes acérées,
portes manteaux tentaculaires, morts-vivants ricanants ou encore vitraux
prenant vie soudainement. On tremble réellement et on en prend plein
les mirettes.
Exemple
de blockbuster intelligent qui ne prend pas les enfants pour des
neuneus, vrai film fantastique portant le sceau de son producteur Steven
Spielberg, LE SECRET DE LA PYRAMIDE est le dernier coup d'éclat de
Chris Columbus scénariste avant que celui-ci n'entame une carrière de
metteur en scène plutôt discutable. Son travail sur les deux premiers
HARRY POTTER ne cesse d'ailleurs de citer ce SECRET DE LA PYRAMIDE sans
jamais en atteindre l'élégance. De belles promesses donc, mais restées
sans suite. Que ceux qui pensent que Columbus aurait dû rester scénariste lèvent la main.
Alan Wilson
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