Blog cinéma d'utilité publique

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mardi 17 février 2015

L'OMBRE ET LA PROIE / THE GHOST AND THE DARKNESS (1996) - LA CRITIQUE



Il était une fois ... le lieutenant-colonel John Henry Patterson. Un irlandais qui s'est fait un nom en Afrique en travaillant pour les anglais avant de devenir, au sortir de la Première Guerre Mondiale, un sionniste convaincu et de mourir en Californie à l'âge de 79 ans. Guerre, aventure, politique et controverse. De tels ingrédients seraient à même de justifier que la vie du bonhomme fasse l'objet d'un film. Le cinéma, néanmoins, ne semble avoir retenu de son existence que l'épisode le plus "exotique", le plus spectaculaire. 
En 1898, les britanniques confièrent à Patterson la mission de mener à bien la construction d'un pont de chemin de fer enjambant la rivière Tsavo au Kenya. Manque de bol, neuf mois durant, deux lions, deux mâles solitaires, attaquèrent et dévorèrent de nombreux ouvriers mais aussi des villageois des environs. On parle de 135 victimes, un chiffre invérifiable mais pas démenti pour autant. Un effroyable carnage. Non sans mal, Patterson réussit finalement à tuer les bêtes, courant décembre 1898. Un livre publié en 1907 et écrit par Patterson lui-même, THE MAN-EATERS OF TSAVO, raconte les évènements en détail. Quant aux deux prédateurs, ils sont visibles depuis 1924 au Chicago Field Museum, empaillés, morts, mais toujours intimidants. L'histoire, il faut bien le reconnaître, est assez incroyable. L'Afrique, sauvage, indomptable, donnant des sueurs froides au colonialisme triomphant. A moins que ce ne soit le contraire. 


Le cinéma ne tarde évidemment pas à s'emparer du récit de l'odyssée meurtrières des deux félins. En 1952 d'abord, avec BWANA DEVIL d'Arch Oboler, avec Robert Stack et en 3D s'il vous plaît. Puis en 1959, avec KILLERS OF KILIMANJARO, réalisé par Richard Thorpe et avec Robert Taylor. Ces deux films ne font que s'inspirer de l'histoire d'origine, brodant autour de personnages fictifs. Il faut donc attendre 1996 et la sortie de THE GHOST AND THE DARKNESS pour qu'un semblant de vérité historique refasse surface. Grâce en soit rendu au scénariste William Goldman (BUTCH CASSIDY & THE SUNDANCE KID, ALL THE PRESIDENT'S MEN, MARATHON MAN ou encore PRINCESS BRIDE, bref un cador de la plume) qui est l'initiateur du projet. Il vend son scénario, qui se veut un croisement entre LAWRENCE OF ARABIA et JAWS, à la Paramount en 1990. Plusieurs acteurs sont envisagés pour le rôle de Patterson, dont Kevin Costner et Tom Cruise. C'est finalement Val KIlmer qui emporte le morceau. A personnage ambigu, acteur ambigu. Réputé difficile, ingérable, Val KIlmer, l'éternel JIm Morrison des DOORS d'Oliver Stone, est pourtant le choix idéal. Dan un rôle assez proche de l'enquêteur tenace du THUNDERHEART de Michael Apted, il fait merveille. Son visage, à la fois poupin et prédateur, arrogant et séduisant, apporte à Patterson une complexité qui l'éloigne des figures héroïque trop lisse. Mais Val KIlmer n'est pas seul en haut de l'affiche. Pour jouer le rôle - totalement fictif - du chasseur Charles Remington (un nom qui annonce la couleur !), c'est Michael Douglas, également producteur, qui est tout (auto) désigné. Et là, mesdames messieurs, il y a comme un hic.
C'est un fait, MIchael Douglas excelle à jouer les anti-héros, ces salopards tellement virils et charismatiques que l'on ne peut s'empêcher de les aimer. Le personnage de Remington, démarquage évident et assumé du Quint jadis campé avec aplomb par Robert Shaw dans JAWS, se voudrait tout aussi mémorable. Ce n'est malheureusement pas le cas. Michael Douglas, sans doute grisé par son égo, en fait trop, beaucoup trop, déséquilibrant dangereusement le récit, forcant le film à ralentir pour se recentrer sur un personnage pourtant secondaire dont le seul attrait - son aura de mystère - se retrouve gâché par des monologues explicatifs sans intérêts (la scène du feu de camp, embarassante à souhait). La grande chasse au lion vire alors pendant un temps au buddy-movie maladroit. Désolé, Michael. C'est pas ton histoire, c'est celle de Val.
Heureusement, il ne s'agit là que d'une portion de métrage. Et quel métrage ! On ne chantera jamais assez les louanges de Stephen Hopkins, artisan talentueux et polyvalent, responsable de ces pépites que sont FREDDY 5, PREDATOR 2, JUDGMENT NIGHT ou encore BLOWN AWAY. Un maestro de la série B haut de gamme. THE GHOST AND THE DARKNESS lui offre l'occasion de verser avec goût dans l'aventure old school. La première demi-heure est à ce titre remarquable. Hopkins choisit très judicieusement d'épouser le point de vue humble et ébahi de Patterson et de nous faire découvrir l'Afrique et son irrésistible pouvoir de fascination en une succession de scènes marquantes, transcendées par le score formidable de Jerry Goldsmith. Et, lorsque surviennent les premières attaques de lion, le cinéaste continue de marquer des points en optant pour un découpage agressif et viscéral, suggestif à souhait, prenant soin de ne pas trop révéler ses prédateurs. Avec pour résultat un maximum d'efficacité. JAWS est, là encore, une influence évidente. Mais jamais écrasante.
En dépit d'un acte central un peu faiblard pour les raisons évoquées un peu plus haut, THE GHOST AND THE DARKNESS est un excellent long-métrage, malheureusement un peu oublié aujourd'hui malgré le fait qu'il soit tout de même lauréat d'un oscar (meilleur montage son - c'est pas Byzance certes mais ça vaut mieux qu'un coup de pied au cul). Si vous arrivez encore à trouver le dvd, donnez-lui sa chance. Vous me remercierez. 

Alan Wilson    

Les vrais lions et mangeurs d'hommes de Tsavo. Et ils n'avaient pas de crinières !


         

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