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dimanche 5 avril 2015

LOUIS ENFANT ROI (1993) DE ROGER PLANCHON - LA CRITIQUE




Si l'on continue aujourd'hui de se souvenir de Roger Planchon (1931-2009) pour l'homme de théâtre prestigieux et talentueux qu'il était (et on bien raison !), on a un peu tendance à oublier qu'il a également réalisé trois films particulièrement réussis dont l'énergie folle évoque un autre homme de théâtre passé derrière la caméra à la même époque, le britannique Kenneth Branagh. Le premier, DANDIN, sort en 1988 et adapte la pièce de Molière avec Claude Brasseur et Zabou Breitman. Le second, qui nous intéresse ici, est LOUIS ENFANT ROI. C'est une peinture truculente et formidablement intelligente des jeunes années du futur Roi Soleil, Louis XIV, durant la Fronde en plein milieu du XVIIème siècle.    
Afin d'offrir sur cette période de transition, sombre et politiquement très agitée, de l'histoire du Royaume de France, un regard frais et habilement distancié, Planchon choisit de faire de Philippe d'Orléans, jeune frère du monarque en devenir, garçon discret, efféminé mais clairvoyant, le narrateur du récit. Ce qui, devant une caméra plus scolaire,  aurait pu être un drame en costumes complexe, bavard et pesant se transforme en fresque baroque, grivoise et virevoltante. Un véritable bol d'air frais ! Ce qui ne veut pas dire que les moments dramatiques soient traités à la légère. Le poids de la fonction titanesque qui s'impose au jeune Louis XIV et sa relation avec le Cardinal Mazarin, son mentor, sont des thèmes empreints de la gravité nécessaire mais qui, plutôt que d'alourdir le propos général, l'approfondissent.


Scènes de batailles, trahisons, courtisanes séduisantes, bons mots, costumes et décors soignés, tous les éléments d'un film historique de qualité répondent présents, et en quantité. Mais LOUIS ENFANT ROI est bien plus qu'un "simple" divertissement de qualité (comme on en voit trop peu en France). C'est aussi, et surtout, une fabuleuse leçon de politique. Dans ce portrait rigolard mais lucide d'un royaume miné par un chaos politique sans fin où les guerres d'égos se succèdent et les petites phrases assassines pleuvent, Planchon tend un miroir à la France contemporaine, enfermée dans les mêmes routines dangereuses, ingouvernable, et sur le point de basculer vers la dictature. Arrivé à sa maturité politique, le jeune Louis (excellent Maxime Mansion) comprend l'importance de se fabriquer une image de leader charismatique et divin pour mieux imposer le totalitarisme et mettre fin à la cacophonie qui lui a volé son enfance. L'amertume du passage à l'âge adulte, de l'ombre à la lumière - le Roi Soleil ! - se pare de dorures insensées. Pessimiste ? Sans doute. Moderne ? Assurément !


Il est alors d'autant plus dommage que le film soit tombé dans un semi-oubli et qu'il ne soit visible que dans une édition assez cheap. Filmé avec un goût certain et une ampleur bienvenue, le film de Roger Planchon aligne quelques belles audaces (la scène du dépucelage royal propose un mélange assez troublant d'érotisme et d'humour et ferait assurément bondir de colère nos censeurs actuels) et laisse le champ libre à un casting déchaîné. C'est souvent outrancier, rabelaisien même diront certains, mais jamais grassement vulgaire ce qui est un sacré exploit. La (re)découverte s'impose !

Alan Wilson  

 

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