Blog cinéma d'utilité publique

Blog cinéma d'utilité publique
Obligatoire de 7 à 77 ans

mercredi 22 avril 2015

CAPITAINES D'AVRIL (2000)

Titre original : Capitães de Abril.
Réalisation : Maria de Medeiros.
Scénario : Maria de Medeiros, Eve Deboise.
Directeur de la photographie : Michel Abramowicz.
Musique : Antonio Victorio d'Almeida.
Avec Stefano Accorsi, Maria de Medeiros, Joaquim de Almeida, ...
Portugal / Italie / Espagne / France - Couleurs - 123 minutes.

Des héros si discrets.


Que l'on ne si trompe pas, CAPITAINES D'AVRIL a beau être une coproduction européenne, c'est un film à 100% portugais. De par son sujet bien sûr (la Révolution des Oeillets des 24 et 25 avril 1974 qui renversa la dictature héritée de Salazar) mais aussi, et surtout, par le ton adopté. C'est là un cinéma suffisamment rare (et donc précieux) pour mériter que l'on s'attarde sur le long-métrage de l'actrice-réalisatrice Maria de Medeiros, inoubliable compagne au grand regard d'enfant innocente de Bruce Willis dans PULP FICTION, quel que soit ses défauts. Et il y en a. Malheureusement.
Pour raconter cette drôle de révolution pacifiste menée par des militaires, Maria de Medeiros a choisi de faire se dérouler en parallèle trois récits. Il y a la quête desespéré d'Antonia (Maria de Medeiros) pour faire libérer un étudiant accusé de terrorisme et torturé par la PIDE (l'équivalent portugais de la Stasi Est-Allemande), la prise de contrôle d'une station de radio de LIsbonne par Manuel, le mari d'Antonia et ancien militaire hanté par ses actes dans les colonies africaines, et, enfin, l'insurrection militaire mené par l'idéaliste capitaine Salgueiro Mala (un authentique héros local, joué par l'italien Stefano Accorsi). Disons-le tout de suite, les scènes qui concernent Maria de Medeiros actrice sont hautement dispensables. Très maladroite et sans intérêt réel, si ce n'est pour une révélation tardive assez artificielle, cette intrigue ralentit la narration et alourdit souvent le propos. Fort heureusement, elle n'occupe que la portion congrue du métrage. Et la réalisatrice de se distinguer en posant sur l'Histoire récente de son pays un regard doux-amer où l'héroÏsme et l'idéalisme cède vite la place à la désillusion et à la résignation. Une révolution, nous dit-elle, est éphémère. Et les héros aussi. Lors d'une scène proprement stupéfiante, le capitaine Mala et Manuel, tente de traverser en voiture la foule qui se masse autour d'une caserne où étaient détenus les prisonniers politiques. En raison de leur uniforme, les deux héros sont pris pour des agents de la PIDE et violemment pris à parti. Sur la plage arrière, la fille de Manuel observe, effrayée, des poings avides de vengeance s'abattre sur la carosserie et les vitres du véhicule. Ils ne devront leur salut qu'à un vieil homme qui les a reconnus. La colère, instantanément, cède la place aux applaudissements. Il en faut peu, si peu, pour que le vent tourne. Cette scène résonne comme un écho de bien d'autres scènes antérieures. Des retrouvailles chaleureuses dans un bar mais qui finissent en bagarre. La tension d'une irruption armée dans une station de radio qui se transforme en grande fête collégiale. Ou encore ce très beau moment, totalement vrai, où le capitaine Mala, encore lui, s'avance drapeau blanc à la main vers les troupes gouvernementales, certain de se faire tirer dessus, mais voit, au dernier moment, les soldats du camp adverse refuser d'ouvrir le feu et le rejoindre lui et ses régiments d'insurgés. C'est là le regard d'une femme, souvent amusée et attendrie, jamais naïve, sur ces hommes, un peu pied nickelés et héros d'un jour.
Propre sur elle et très professionnelle, la mise en scène ne s'élève néanmoins jamais plus haut que celle d'un honnête téléfilm de luxe. Le souffle nécessaire à un tel sujet manque donc un peu à l'appel. Un peu gênant mais l'intérêt de CAPITAINES D'AVRIL est ailleurs. Le film de Maria de Medeiros aborde un sujet méconnu mais fascinant, se montre très à l'aise dans des scènes intimistes à la portée aussi humaniste que politique et nous fait espérer que d'autres réalisateurs et réalisatrices s'intéressent encore à l'avenir à l'histoire du Portugal. Elle mérite d'être racontée.

Alan Wilson  
   



  


dimanche 19 avril 2015

HEADHUNTERS (2011)

Titre original : Hodejegerne.
Réalisation : Morten Tyldum.
Scénario : Lars Gudmestad, Ulf Ryberg, d'après le roman de Jo Nesbo.
Directeur de la photographie : John Andreas Andersen.
Musique : Trond Bjerknes, Jeppe Kaas.
Avec Aksel Hennie, Nikolaj Coster-Waldau, Synnove Macody Lund, ...
Norvège/Suède - Couleurs - 100 minutes.

Instant norvégien.


Roger Brown (Aksel Hennie). Il ne sait pas encore ce qui l'attend.
Roger Brown (Aksel Hennie, parfait de bout en bout) est chasseur de têtes pour de grands groupes industriels. Il est bien payé, mais ça ne lui suffit pas pour mener le train de vie dispendieux qui est le sien. Roger a une femme qu'il aime (même s'il lui est infidèle), grande, belle, blonde, intelligente et il entend la couvrir de cadeaux comme une princesse. Plutôt que de lui faire un enfant, ce qui est à peu près tout ce qu'elle réclame. Alors, il fait aussi dans le vol et le recel d'oeuvres d'art. Il connaît les règles et espère toucher le gros lot un jour où l'autre, LE tableau qui le mettra à l'abri du besoin et lui permettra de raccrocher avant de se faire épingler par la police. Roger est froid, cynique, calculateur, menteur. Bref, c'est un mec détestable. Thomas Crown, mais sans le charme de Steve McQueen ou de Pierce Brosnan. En une scène, sa vie toute entière va basculer, irrémédiablement. L'occasion pour le metteur en scène, Morten Tyldum, de nous prouver qu'il a mieux à faire que de signer un énième thriller à tiroirs digne du premier petit malin venu.
Après avoir fignolé son plan dans les moindres détails, Roger s'introduit enfin dans la demeure, vide, de Clas Greve (Nikolaj Coster-Waldau, redoutable), un ami de sa femme à qui il fait miroiter un poste de PDG dans une entreprise d"électronique. Ce qui intéresse vraiment Roger, c'est le tableau que Clas garde chez lui, une oeuvre rare qui pourrait lui rapporter des millions. Au bout de quelques minutes, Roger trouve le tableau, le remplace par une copie et s'apprête à quitter les lieux, satisfait. Désobéissant à ses propres principes de rapidité et de discrétion, Il prend néanmoins le temps d'observer des enfants qui jouent dans la rue. Une vision si attendrissante que, pour la première fois, notre anti-héros semble fendre l'armure. Plus tôt, il avait tourné en dérision, une fois de plus, les envies de maternité de sa compagne. Là, il comprend enfin. Son visage n'affiche plus cet air irritant de faux-cul suffisant mais de VRAIES émotions. Il sort donc son téléphone portable et appelle sa femme pour lui dire qu'il est prêt à fonder une famille avec elle, à l'aimer autrement qu'en lui achetant des babioles hors de prix mais sans aucune signification. Mais, à chaque tonalité, une sonnerie de téléphone, toute proche, se fait entendre. Roger comprend très vite que le téléphone portable de sa femme se trouve ici, avec lui, dans la maison de l'homme qu'il est en train de voler. Il fouille et finit par le trouver au pied du lit. Un lit défait. Le lit dans lequel sa femme l'a trompé. Roger est donc cocu. Blessé dans son égo et dans ses sentiments, il n'est plus maître de la situation. Cette humiliation n'est que le début d'un chemin de croix drôle, cruelle, sanglant, douloureux.
En privilégiant la mise en place d'un état émotionnel plutôt qu'un alignement virtuose d'indices en tous genres, HEADHUNTERS se distingue du tout venant. Aussi bien ficelés soient-ils, les rebondissements qui suivront ne servent pas seulement à épater la galerie, à surprendre. Plus qu'à un thriller, c'est même à un conte moral que l'on a droit. Comme dans THE GAME de David Fincher (un cinéaste avec lequel Morten Tyldum partage notamment son goût pour l'élégance formelle), chaque épreuve que traverse le personnage principal lui enseigne un peu plus l'humilité et la dureté d'une vie sans argent, sans confort et sans protection. Roger Brown sera souillé, battu, dépouillé de son identité. Il mourra, avant de renaître, le crâne rasé, le corps couverts de cicatrices, tel un pénitent. Mais je n'en dirai pas plus, de peur de ne trop en révéler pour les chanceux qui n'auraient pas encore vu le film. 
HEADHUNTERS est un vrai bijou de mise en scène, maîtrisé mais jamais vaniteux, un vrai film noir mais qui ne manque pas d'humour ... à froid. Depuis, Morten Tyldum a signé THE IMITATION GAME, un autre tour de force sur lequel je reviendrai bientôt. Promis.

Alan Wilson

samedi 18 avril 2015

LA FRENCH (2014)

Réalisation : Cédric Jimenez.
Scénario : Audrey Diwan et Cédric JImenez.
DIrecteur de la photographie : Laurent Tangy.
Musique : Guillaume Roussel.
Avec Jean Dujardin, Gilles Lellouche, Céline Sallette, ...
France - Couleurs - 135 minutes.

Traffic d'influences.



On ne peut pas le nier, les ambitions de LA FRENCH sont parfaitement nobles. Redonner vie au cinéma populaire français des 60's et des 70's, signer une grande fresque policière, s'attaquer à un sujet complexe et foisonnant et, enfin, exploiter la cinégénie indéniable de Marseille. Encore faut-il avoir un minimum de talent pour mener ces ambitions à bien. Manifestement, Cédric Jimenez n'était pas à la hauteur de la situation.
Le problème du cinéaste, ce sont ses influences, écrasantes, et son incapacité à les digérer pour produire quelquechose de cohérent. Un fanboy, peut importe ses goûts, ne fait pas forcément un bon cinéaste. Dont acte.
Michael Mann, William Friedkin, Michael Cimino, Sidney Lumet, Ridley Scott, Brian de Palma. Voici la liste (non exhaustive) des cadors du 7ème Art que Cédric JImenez cite et rêve d'égaler avec LA FRENCH. Puisqu'il est un cinéate français et qu'il est visiblement amoureux de bon cinoche populaire, on aurait aussi bien aimé qu'il pense à Verneuil, Lautner, Tavernier et Boisset mais bon, passons. Jimenez n'a ni une voix ni un style qui lui soit propre ou qui tienne un minimum la route. LA FRENCH se contente d'imiter. Maladroitement. Un vieux logo Gaumont des années 70 pour faire "comme si". Le grain de l'image est retravaillé numériquement, pour faire "comme si". Et la caméra, c'est à l'épaule. Tout le temps. Et c'est mal cadré, tout le temps. Les rares plans larges privilégient ainsi un mouvement rapide et heurté. Pour planter un décor, c'est pas ce qu'il y a de plus efficace. Et ce ne sont pas deux ou trois plans brefs sur la Bonne Mère, le quartier du Panier ou le Vieux Port qui trompent qui que ce soit. LA FRENCH aurait pu être tourné en Normandie, ça n'aurait pas changé grand chose. Aux chiottes donc, l'ampleur qu'un tel sujet réclamait. La temporalité et le rythme subissent la même gestion hasardeuse. L'histoire est censée se dérouler sur une période de plus de six ans mais, à l'écran, faute d'un travail visible sur le maquillage ou les costumes, il ne semble se passez que quelques semaines ou mois. Le rythme, en dent de scie, conforte encore plus cette désagréable impression. 
Scénario et castings ne font pas mieux. La narration hésite constamment à choisir un point de vue et nous trimballe entre l'entourage du juge Pierre Michel et celui du truand Gaëtan Zampa au petit bonheur la chance, lançant de nombreuses intrigues parallèles sans jamais les développer de manière satisfaisante. On aurait aimé en savoir plus sur la corruption policière, sur la mafia corse, sur le système de Gaston Defferre, sur la rivalité entre Zampa et Le Fou. Tant pis. Les acteurs, très mal castés, sont sans doute les plus à plaindre dans l'affaire. En tête d'affiche, Jean Dujardin et Gilles Lellouche donnent le maximum dans des rôles qui ne leur correspondent guère et parviennent même à briller dans quelques scènes (le juge Michel qui craque dans une cabine téléphonique et supplie sa femme de revenir à la maison, Zampa faisant ses adieux à son fils avant de partir en planque). Mais Benoît Magimel, Feodor Atkine ou encore Gérard Meylan (l'inoubliable Marius de Jeannette) font peine à voir. Et puis engager Eric Collado, comparse bouffon de Dujardin à l'époque des Nous C Nous, dans le rôle d'un maffieux ferait presque basculer certaines scènes dans la comédie involontaire. 
Je m'arrête là, j'ai plus la force. LA FRENCH est un beau gâchis.

Alan Wilson     

WHY DON'T YOU PLAY IN HELL ? (2013)

Titre Original : Jigoku de naze Warui.
Réalisateur : Sono Sion.
Scénario : Sono SIon.
Directeur de la photo : Hideo Yamamoto.
Musique : Sono Sion.
Avec Jun Kunimura, Shinichi Tsutsumi, Fumi NIkaido, ...
Japon - Couleurs - 129 minutes.

Cinéma Paradiso.


Sono SIon est un passionné. Non, mieux que ça. C'est un enragé. Ses films sont là pour le prouver. Des morceaux de pellicules foutraques, pleins à craquer de références (musicales ou cinéphiliques), d'idées folles, d'énergie, de fétichisme, d'amour. WHY DON'T YOU PLAY IN HELL ? ne déroge pas à la tradition et y ajoute même une dimension autobiographique (à peine) fantasmée. Quitte à prouver qu'il aime le cinéma et qu'il veut laisser sa marque, Sono Sion n'hésite pas ici à aborder  cet amour frontalement, directement. En faisant notamment de son personnage principal, un réalisateur kamikaze prêt à tous les sacrifices (sa propre vie y compris, ainsi que celles de ses collaborateurs) pour mettre en boîte le film ultime. Comme note d'intention, difficile de faire plus limpide.
Un peu comme un héritier nippon de PULP FICTION, mais sous cocaïne, stéroïde et LSD, WHY DON'T YOU PLAY IN HELL mêle différentes lignes narratives et de nombreux personnages. Des policiers dépassés, un jeune amoureux naïf, une adolescente capricieuse, ancienne enfant star et fille de yakuza, un boss (yakuza, forcément) en manque de chevalerie et qui fait vivre son clan comme à l'époque des samouraïs, sans oublier son rival prêt à tout pour satisfaire une femme tyrannique et meurtrière. Et au milieu de tout ça, donc, les Fuck Bombers (!), cinéastes en herbe. Tous ces destins se croisent certes de manière un peu forcée et artificielle mais Sono Sion ne laissent pas le temps à la reflexion et foncent tête baissée jusque vers un final apocalyptique, un affrontement entre yakuzas rivaux et policiers, le tout immortalisé par les caméras des Fuck Bombers. Un climax drôle, immoral et grandiloquent. Et qui, immanquablement, fait penser à un autre film de Tarantino, j'ai nommé KILL BILL, VOL.1, référence à la tenue jaune et noire de Bruce Lee dans LE JEU DE LA MORT à l'appui. Si ce n'est que, contrairement à Tarantino, Sono SIon ne souligne jamais au marqueur ses références. Elles sont là, évidentes c'est certain, mais s'intègrent avec une fluidité exemplaire au flot constant du récit. Ce qui n'est pas un mince exploit. Il faut dire que plutôt que de multiplier les citations de tous les horizons, le cinéaste préfèrent les encadrer par une influence unique et majeure, soit l'esprit libre de KInji Fukusaku (COMBAT SANS CODE D'HONNEUR, LE CIMETIERE DE LA MORALE et, oui, BATTLE ROYALE), cinéaste touche-à-tout dont l'ombre anarchiste plâne sur tout le métrage.
Virtuose, méta, bouillonnant, WHY DON'T YOU PLAY IN HELL est tout cela à la fois. Sono Sion se fait plaisir, epérimente. On ne peut qu'être admiratif. Mais jamais ému. Ce qui est un peu la limite de l'exercice. La destinée tragique des nombreux protagonistes et la double histoire d'amour, pourtant au centre des enjeux, font malheureusement un peu pschitt. Ironie et mélodrame ne se mélangent pas aussi facilement.

Alan Wilson.            

WOLF CREEK 2 (2014)

Réalisation : Greg McLean.
Scénario : Greg McLean, Aaron Sterns.
Directeur photo : Toby Oliver.
Musique : Johnny Klimek.
Avec John Jarratt, Ryan Corr, Shannon Ashlyn, ...
Australie - Couleurs - 106 minutes.

Bigger, louder, funnier ... mais pas forcément better.


Mick Taylor (John Jarratt), sa proie et son gros couteau. Un conseil : ne le vexez surtout pas !
Mick Taylor (toujours interprété, avec force cabotinage, par John Jarratt), roi des bouseux psychopathes de l'outback australien est de retour ! Un retour tardif qui prend des allures de remakes à gros budget, le réalisateur Greg McLean ayant visiblement à coeur de faire son EVIL DEAD 2 à lui, autre séquelle en forme de remake.
WOLF CREEK premier du nom, sorti en 2005, était un solide film d'horreur à petit budget. Le mélange d'intimisme, de décors naturels sauvages et de tension larvée donnait toute sa force à un dernier acte violent et desespéré. Clairement, les influences de Greg McLean étaient estampillées 70's. DELIVERANCE et THE TEXAS CHAINSAW MASSACRE, les canons du genre, y étaient largement convoquées. La séquelle, en revanche, semble tout droit sortie des 80's. La figure du psychokiller devient centrale (et, bien évidemment, indestructible), le sang coule à profusion et les bons mots aussi. Figure mystérieuse, menace sadique aux instincts monstrueusement humains dans le premier film, Mick Taylor se transforme ici en boogeyman classique ne se distinguant des Freddy, Jason et autre Michael Myers que par son look de bushman à la Crocodile Dundee, un épais accent australien et une xénophobie pathologique. Adieu la subtilité, place à la caricature.
Passé un très amusant prologue, rendant un hommage appuyé au premier MAD MAX de George Miller, avec son duo de flics improbables et pas très finauds, à l'affût du moindre excès de vitesse pour briser la monotonie, WOLF CREEK 2 s'empresse de repartir sur des sentiers plus familiers. Un couple de jeunes touristes (allemands, ça change un peu et ça fera plaisir aux spectateurs grecs) se retrouvent isolés en pleine pampa. Arrivée de Mick Taylor. Le carnage (plutôt corsé) peut commencer. Et le film de verser illico dans la facilité d'un shocker de base. Tout le savoir-faire de McLean, loin d'être manchot avec une caméra, n'y change rien. La première partie de WOLF CREEK 2 est ennuyeuse à mourir.
Puis, ô miracle, un quidam (un anglais, là ça a son importance) se pointe, embarque dans sa jeep la touriste allemande survivante et l'intérêt refait surface. Les morceaux de bravoure, réminiscents de DUEL et HITCHER, s'enchaînent sans temps morts. Haute tension et grand spectacle font alors tout le sel de WOLF CREEK 2, sans oublier un pur moment de folie, mémorable, qui voit un groupe de kangourous traverser l'autoroute en pleine course-poursuite et venir se fracasser contre les véhicules des protagonistes. On est donc en droit de croire que le très dispensable premier acte n'est qu'un mauvais souvenir et que le film va continuer sur cette belle lancée. Hélas, non !
Le chasseur choppe sa proie et retour dans l'antre du tueur pour un face à face en forme de quizz de culture générale australienne. Une idée pas si mauvaise mais mal exploitée puisque la scène se limite à un Mick Taylor beuglant des insultes anti-rosbeefs. Drôle et pittoresque, oui. Pour ce qui est du suspense, on repassera. Tout ça avant de finir ... comme le premier film, quasiment au plan près. Ce qui sent le foutage de gueule. Comme quoi, rien ne sert de savoir filmer Mr McLean. Il faut un scénario entier, pas une moitié.

Alan Wilson   

dimanche 5 avril 2015

LAUTREC (1998) DE ROGER PLANCHON - LA CRITIQUE (EXPRESS)




Après la politique, l'Art. C'est le sujet du troisième et dernier long-métrage de Roger Planchon. Sans doute n'était-ce pas là son intention initiale, mais on peut y voir son testament cinématographique.
À travers ce portrait de la vie, courte mais tumultueuse et passionnée, du peintre Henri de Toulouse-Lautrec, c'est une déclaration d'amour fiévreuse à la création artistique que signe ici Roger Planchon. La peinture, la danse, le chant, le libertinage, l'alcool, tout se mêle pour mieux célébrer les noces forcément explosives des arts nobles (la peinture figurative et académiquement célébrée) et des arts dits "populaires" (tout le reste et ce qui suivra), de la haute société et des laissés pour compte. Sans doute plus qu'aucun autre artiste de cette époque, Toulouse-Lautrec, descendant difforme d'une noblesse qui accepte mal de se diluer dans la modernité et porte-parole de la verve incandescente du Paris des bordels et des cabarets, est le trait d'union parfait entre deux mondes et deux époques. L'Art, nous dit ici Planchon, survit, se développe et prospère autant de la transgression et de l'anticonformisme que du respect et du savoir des aînés.  L'Art, c'est la vie (et le gras aussi, me souffle un certain Karadoc).
En matière de biopic, LAUTREC est l'un des plus virtuose auquel le cinéma français est jamais donné naissance. Le rythme. Tout dans ce film est affaire de rythme. Et il emporte tout sur son passage. Certes, c'est parfois inutilement bruyant et excessivement théâtral mais on illustre pas la vie d'un peintre nain (très belle prestation de Régis Royer, aidé par des effets spéciaux invisibles) queutard invétéré et alcoolique chronique en faisant dans la demi-mesure, nom d'une pipe ! 

Alan Wilson    
 
      

LOUIS ENFANT ROI (1993) DE ROGER PLANCHON - LA CRITIQUE




Si l'on continue aujourd'hui de se souvenir de Roger Planchon (1931-2009) pour l'homme de théâtre prestigieux et talentueux qu'il était (et on bien raison !), on a un peu tendance à oublier qu'il a également réalisé trois films particulièrement réussis dont l'énergie folle évoque un autre homme de théâtre passé derrière la caméra à la même époque, le britannique Kenneth Branagh. Le premier, DANDIN, sort en 1988 et adapte la pièce de Molière avec Claude Brasseur et Zabou Breitman. Le second, qui nous intéresse ici, est LOUIS ENFANT ROI. C'est une peinture truculente et formidablement intelligente des jeunes années du futur Roi Soleil, Louis XIV, durant la Fronde en plein milieu du XVIIème siècle.    
Afin d'offrir sur cette période de transition, sombre et politiquement très agitée, de l'histoire du Royaume de France, un regard frais et habilement distancié, Planchon choisit de faire de Philippe d'Orléans, jeune frère du monarque en devenir, garçon discret, efféminé mais clairvoyant, le narrateur du récit. Ce qui, devant une caméra plus scolaire,  aurait pu être un drame en costumes complexe, bavard et pesant se transforme en fresque baroque, grivoise et virevoltante. Un véritable bol d'air frais ! Ce qui ne veut pas dire que les moments dramatiques soient traités à la légère. Le poids de la fonction titanesque qui s'impose au jeune Louis XIV et sa relation avec le Cardinal Mazarin, son mentor, sont des thèmes empreints de la gravité nécessaire mais qui, plutôt que d'alourdir le propos général, l'approfondissent.


Scènes de batailles, trahisons, courtisanes séduisantes, bons mots, costumes et décors soignés, tous les éléments d'un film historique de qualité répondent présents, et en quantité. Mais LOUIS ENFANT ROI est bien plus qu'un "simple" divertissement de qualité (comme on en voit trop peu en France). C'est aussi, et surtout, une fabuleuse leçon de politique. Dans ce portrait rigolard mais lucide d'un royaume miné par un chaos politique sans fin où les guerres d'égos se succèdent et les petites phrases assassines pleuvent, Planchon tend un miroir à la France contemporaine, enfermée dans les mêmes routines dangereuses, ingouvernable, et sur le point de basculer vers la dictature. Arrivé à sa maturité politique, le jeune Louis (excellent Maxime Mansion) comprend l'importance de se fabriquer une image de leader charismatique et divin pour mieux imposer le totalitarisme et mettre fin à la cacophonie qui lui a volé son enfance. L'amertume du passage à l'âge adulte, de l'ombre à la lumière - le Roi Soleil ! - se pare de dorures insensées. Pessimiste ? Sans doute. Moderne ? Assurément !


Il est alors d'autant plus dommage que le film soit tombé dans un semi-oubli et qu'il ne soit visible que dans une édition assez cheap. Filmé avec un goût certain et une ampleur bienvenue, le film de Roger Planchon aligne quelques belles audaces (la scène du dépucelage royal propose un mélange assez troublant d'érotisme et d'humour et ferait assurément bondir de colère nos censeurs actuels) et laisse le champ libre à un casting déchaîné. C'est souvent outrancier, rabelaisien même diront certains, mais jamais grassement vulgaire ce qui est un sacré exploit. La (re)découverte s'impose !

Alan Wilson  

 

samedi 4 avril 2015

FAST & FURIOUS 7 / FURIOUS 7 (2015) DE JAMES WAN - LA CRITIQUE (EXPRESS)

Paul Walker, one last time.
 
Pour Paulo, our brother, un très émouvant et sincère hommage.
Pour Kurt et sa classe éternelle, et son team de commando qui apporte encore un plus à la saga. 
Pour Jason qui, en mode Terminator, donne le ton revanchard du film et son rythme frénétique, le meilleur bad guy dans un actionner depuis des siècles (sont intro est juste merveilleuse !). je m'attendais à ce qu'on le voit moins, mais, finalement, il est là. Tout du long .
Pour ces fights jouissifs qui nous console de toute les déception que furent Expendables et autres Escape Plan. Sacré concours de bite entre Jason "Tatane" Statham et The Rock ! Et puis ce combat de rue dantesque avec Vin Diesel ! Le film est bourré de faces à faces et de duels de toute sortes et, un bref instant, durant le final, nous renvoie direct à DEATH SENTENCE !
Pour ces cascades ahurissantes, ces séquences d’action surnaturelles et d’une générosité sans borne et surtout, surtout, quasiment toutes shootées en live et en dur. Après une petite exposition, et déjà beaucoup de dégâts, c’est partie pour un délire non stop et inégalé - 10 climaxs a la suite, qui dit mieux ? Merci !
Pour Tony Jaa, pour Djimon et sont supercopter. Pour la belle découverte Nathalie Emmanuel. 
Pour l’humour qui fonctionne vraiment grâce a Tyrese. Pour le fan service qui continue de relier entre eux tous les films de la saga. 
 
 
Et enfin, pour Dwayne, magique, plus badass que jamais. Des punchlines déjà cultes, et cette scène en ambulance et avec une gatling. Il vole la vedette durant tout le film (très bonne idée d'ailleurs de lui coller une fille, avec de supers dialogues à la clé).
Bon la construction reste très épisodique, ce qui nous donne une narration un peu bâtarde (macguffin included !) et Vin a l’air bien trop constipé ( et rentre bien le ventre, pépère !) et devrait moins tirer la couverture à lui-même et Ronda Rousey est affreuse. Faut pas qu'elle ouvre la bouche et elle devrait abandonner l’idée d une carrière ciné bien vite. Elle se plante en beauté la ou Gina Carano assure grave.
 
Pierre Laporte

LA FORTERESSE NOIRE / THE KEEP (1983) DE MICHAEL MANN - LA CRITIQUE


Peu de films portent aussi bien le qualificatif de "film maudit" que le second long-métrage de Michael Mann. Tournage cauchemardesque au Pays de Galles sous des pluies torrentielles, remontage violent et discutable par le studio, échec critique et publique, désaveu total de F. Paul Wilson, l'auteur du roman dont est adapté le film, et aujourd'hui, alors que les supports dvd et blu-ray permettent à de tels œuvres de ressusciter et d'être réévaluées (voir notamment le NIGHTBREED de Clive Barker, mais c'est là un sujet pour une autre fois), LA FORTERESSE NOIRE n'est toujours pas sorti en vidéo. Sauf si l'on compte d'antédiluviennes vhs et une édition laserdisc bien précieuse. Bref, tenter de voir le film de Michael Mann dans une version pourtant mutilée n'est pas loin de relever du parcours du combattant. 
Que peut-on retirer de l'expérience que constitue LA FORTERESSE NOIRE, pour peu que l'on parvienne à mettre la main dessus ? Une immense satisfaction ... et une frustration à peu près égale. On estime que le montage initial de Michael Mann atteignait presque 3h30 et, si c'était bel et bien le cas, les bouchers de la Paramount en ont jeté plus de la moitié, ne nous laissant que 90 misérables minutes. Difficile, dans ces conditions déplorables, d'appréhender correctement le métrage, unique incursion du réalisateur de HEAT dans le fantastique. Ce qui est bien dommage puisque le cinéaste révèle de bien belles aptitudes en la matière. Portées par les nappes synthétiques abstraites et entêtantes de Tangerine Dream, les images de LA FORTERESSE NOIRE convoquent une imagerie gothique et onirique d'une beauté stupéfiante. L'état de rêve (ou cauchemar, c'est selon) éveillé dans lequel baigne tout le film fait bien souvent penser à LA COMPAGNIE DES LOUPS de Neil Jordan ou au LEGEND de Ridley Scott (au final d'ailleurs similaire et dont le montage américain s'offre une musique alternative signée ... Tangerine Dream), des films pourtant sortis plus tard. 
Sur le plan de la narration, le film souffre énormément de ses coupes nombreuses. Les ellipses sont maladroites et nuisent au suspense et au rythme. Et dès que l'on en vient aux nombreux personnages qui peuplent le récit, c'est encore pire. Tous sont complexes et passionnants ... mais ils ne sont que vaguement esquissés. Le montage, incapable de se tenir à un point de vue en particulier prive le récit d'un point d'ancrage émotionnel pourtant vital. LA FORTERESSE NOIR s'ouvre sur l'arrivée du Capitaine Woermann (Jurgen Prochnow) avant de le laisser tomber pour introduire brusquement le mystérieux Glaeken (Scott Glenn) dont le périple cède trop vite la place à la confrontation entre Woermann et le sadique SD Sturmbannführer Kaempffer (Gabriel Byrne) pour ensuite embrayer sans trop de cérémonie sur le Dr Cuza et sa fille Eva (Ian McKellen et la récemment disparue Alberta Watson), le tout en tentant de développer un minimum la tension autour de l'entité qui hante la fameuse forteresse du titre, le démon Molasar, et de construire une love-story sur le tard. Argh ! C'est trop, beaucoup trop pour être survolé de la sorte. La réflexion sur la nature du Mal ambitionnée par Mann ne parvient guère à s'exprimer comme elle le devrait. Il faut donc se contenter d'une foultitudes de détails fabuleux, tel que la rivalité entre ss et soldats de la wehrmacht qui évite de faire des allemands de simples méchants de bande-dessinée, ou encore cette brève séquence en camps de concentration où juifs et tziganes partagent leur malheur, donnant ainsi à cette évocation de l'Holocauste en cours une étendue et une complexité bienvenue. Vous l'aurez compris, il y a bien un grand film d'une richesse incroyable qui se cache derrière ce remontage.
Toutefois, si il est bien un défaut qu'aucun director's cut ne semble pouvoir corriger, c'est Molasar lui-même. Handicapées par des effets spéciaux défaillants, ses ultimes apparitions flirtent dangereusement avec le z pur et dur. D'entité brumeuse millénaire et terrifiante (son introduction lors du sauvetage d'Eva des griffes de deux nazis violeurs est sublime), la créature prend bien vite la forme d'un golem ... caoutchouteux et figé, tout droit sorti d'un épisode de SanKuKai. Lorsque l'on sait que Enki Bilal a participé à sa conception, c'est un brin rageant ! C'est alors tout le climax qui pose problème et le combat entre Glaeken et Molasar est carrément bâclé. Sans doute plus habile dans la suggestion et l'onirisme que dans le fantastique frontal et viscéral, Mann se livre à une resucée maladroite du final des AVENTURIERS DE L'ARCHE PERDUE. Bizarre. Même si une poignée de plan spectaculaire sur des charniers de nazis calcinés baignant dans une brume épaisse sauve les meubles. 

L'ignoble Molasar ... dans tous les sens du terme !


LA FORTERESSE NOIRE est un film unique, étrange, et bancal, loin du chef d’œuvre qu'il aurait pu être. Il se doit d'être vu car il porte la marque indélébile de son auteur, Michael Mann. Ce qui, vu l'état dans lequel il se trouve, est en soi un petit miracle. 

Alan Wilson        

vendredi 3 avril 2015

SHINING (1980) DE STANLEY KUBRICK - LA CRITIQUE

 
SHINING, c'est un peu la revanche de Stanley Kubrick sur un public qui, malheureusement, bouda son somptueux BARRY LYNDON. La fresque en costume est dépassée ? Le public veut de la violence et de la trangression ? "Ok !" a forcément du se dire Kubrick, avant d'ajouter : "je vais vous offrir ce que vous voulez, le film d'horreur ultime, démesuré." Et, d'une facon ou d'une autre, on ne peut pas dire qu'il y soit allé avec le dos de la cuillère ! 
Trahissant sans vergogne le roman original de Stephen King (l'histoire est grossièrement mais le ton et la psychologie des personnages ont subi des changements radicaux), le barbu génial accumule avec un sérieux (vraiment ?) papal tous les types d'excès possibles. Jusqu'à la lisière du ridicule. Les violons hurlent  jusqu'à la stridence la plus insupportable possible. La violence de toute la production de l'époque est dépassée - noyée même ! - en un seul plan qui voit les couloirs de l'Overlook submergés par des hectolitres de sang. Shelley Duvall, l'héroïne, bat des records d'hyperventilation et de mimiques paniquées et apeurées. Et que dire de Jack Nicholson, lui qui se transforme carrément avec force haussement de sourcils en grand méchant loup, hache à la main ? 
Un an avant le EVIL DEAD de Sam Raimi, Kubrick livre avec ce SHINING un film d'horreur tellement grand-guignolesque dans ses partis pris qu'il frise à plus d'un moment la parodie. Si vous en doutez encore, rappelez-vous ce long zoom arrière sur le cadavre frigorifié de l'écrivain Jack Torrance (Nicholson), éternellement figé dans une impayable grimace de surprise et de mécontentement absolu. Un tel plan n'aurait guère semblé déplacé dans un bon vieux Tex Avery ou Chuck Jones des familles. Hilarant. Mais aussi flippant. Mais hilarant quand même. Vous voyez où je veux en venir ?

Jack Nicholson/Torrance, coyote gelé ?
Mais SHINING n'est pas qu'un bel exercice de style. En toile de fond, et toujours dans un esprit profondément revanchard, Stanley Kubrick taille un joli costard à la sacro-sainte cellule familiale américaine. En la décrivant comme pourrie et ce, dès le départ (le père, ancien alcoolique au regard inquiétant, la mère amorphe, le fils à la limite de l'autisme). Il en faut bien peu à la famille Torrance pour se désintégrer de l'intérieur à toute vitesse. Et avec elle, le rêve américain d'une saine normalité.
Avec un humour féroce, cynique, SHINING terrifie autant qu'il amuse. Un vrai train fantôme qui n'hésite pas à renvoyer le spectateur au psychopathe qui, c'est inéluctable, se cache en lui. Et Stanley Kubrick inventa ainsi le cadeau piégé. Dans la symétrie impeccable de sa mise en image, la folie et le meurtre s'exposent au grand jour. 
 
Alan Wilson

LES BLUES BROTHERS / THE BLUES BROTHERS (1980) DE JOHN LANDIS - LA CRITIQUE

 
 
En transposant sur grand écran l’univers musical ultra-référentiel du duo Aykroyd/Belushi (qui interprétait les frères Blues pour le public du Saturday Night Live depuis 1976), John Landis s’est retrouvé face à un défi de taille : comment diable éviter de trop diluer sur la longueur d’un long-métrage ce qui n’était à l’origine que de courtes et énergiques prestations scéniques ? Pour résoudre ce casse-tête, Landis, alors au zénith de sa créativité, a choisi la méthode la plus frontale, la plus décomplexée : livrer un grand spectacle frénétique et destructeur ne reposant que sur un scénario prétexte, tout en délivrant un message d’amour, de paix, de rock n’roll et de désobéissance généralisée avec un sérieux imperturbable et une sincérité en béton.
S’il reste conçu et pensé pour le cinéma (Landis exploite son imposant budget avec une belle générosité), THE BLUES BROTHERS ne renie pas pour autant ses origines télévisuelles puisque, en soi, le film n’est ni plus ni moins qu’une enfilade de sketch reliés entre eux par un argument simplissime (sauver un orphelinat déficitaire en organisant un gigantesque concert de blues), une justification aussi absurde que géniale (les Blues Brothers sont en mission pour le Seigneur !)  et une enfilade d’antagonistes/running gags carrément irrésistibles (un duo de troopers hargneux, des nazis, un groupe de country ou encore Carrie Fisher et son arsenal à faire pâlir n'importe quel texan de jalousie). Le tout ponctué de numéros musicaux soignés et rythmés, destinés à remettre sur le devant de la scène un all-star cast alors en passe de virer has been (Ray Charles, Aretha Franklyn, James Brown, Cab Calloway, John Lee Hooker). Pour éviter la lassitude que pourrait engendrer un tel procédé, John Landis construit son film en un crescendo totalement maîtrisé, jusqu’à une dernière demi-heure divinement euphorisante où se succèdent un concert monstre et une homérique course-poursuite motorisée qui, en plus de pulvériser des records en matière de tôle froissée, de vitesse et de figuration policière, se permet également de résoudre la totalité des sous-intrigues cumulées et … de faire décoller les voitures au son de la Chevauchée des Walkyries.
La complémentarité et la force comique de Dan Aykroyd (alors svelte) et de John Belushi (capable de jongler comme personne entre statisme et bouffonnerie) est, quant à elle, la pierre angulaire du film. Animés par une passion commune et sans borne pour la musique noire américaine, les duettistes saisissent l’opportunité du long-métrage pour dresser le portrait, parfois inattendu (et pas si éloigné que ça du Philadelphie du ROCKY de John G. Avildsen), du Chicago des sans grades, entre pauvreté chronique et optimisme sans limite. Ainsi, les Blues Brothers ont beau être menteurs, voleurs, et irrespectueux de la loi et de l’ordre, ils se battent pour une cause juste. Frères blancs délaissés par leur parents, ils se sont construit une identité métissée dans un orphelinat religieux et se veulent (peut-être un peu malgré eux) les champions de la lutte des classes comme en témoigne l’impayable scène du restaurant où ils se font un plaisir de gâcher une soirée de la haute société afin de débaucher un de leur ancien musicos devenu serveur propre sur lui. Et quand ces dernier prêchent l’amour (même à une bande de rednecks avides de country music et de bières) ils visent des valeurs essentielles tels que la tolérance et la liberté. Révolutionnaire, les Blues Brothers ? Un peu, mon neveu. Sans eux, il y a fort à parier que les films des Adam Sandler, Ben Stiller, Mike Myers et autres Will Ferrell ne seraient pas les mêmes. Ils sont les pères de la nouvelle comédie américaine, ce mélange de régression et de naïveté, le tout animé de vrais ambitions d’auteurs. 
 
Alan Wilson

jeudi 2 avril 2015

KINGDOM OF HEAVEN (2004) DE RIDLEY SCOTT - LA CRITIQUE (EXPRESS)



Une chose avant de d'aller plus loin. Pour apprécier ce film, l'un des plus beaux de la longue carrière de Sir Ridley Scott, à sa juste valeur, il existe une règle à observer scrupuleusement : bannir le montage cinéma, sinistre producer's cut que Ridley se mordit les doigts d'accepter, et ne considérer la version longue comme la SEULE et UNIQUE version. Voilà. C'est dit. C'est gravé dans le marbre. 
Bon, revenons à nos moutons. KINGDOM OF HEAVEN donc. Sublime fresque épique de plus de trois heures sur les Croisades vers la fin du XIIème siècle et très pertinente remise en perspective des conflits religieux qui secouent le Moyen-Orient depuis trop longtemps. Une fois de plus, après 1492 et GLADIATOR, le cinéaste britannique nous cause religion, guerre et pouvoir. Enfin, surtout religion dans ce cas précis. Comment l'on s'en sert, comment on devrait s'en servir. 
Que vaut donc Jérusalem pour que tant d'hommes se foutent inlassablement sur la gueule ? La question est ici posée à Saladin, charismatique et pragmatique chef de guerre des Sarassins, par le très (trop ?) chevaleresque Balian d'IBelin (Orlando Bloom dans son meilleur rôle) . Réponse de l'intéressé ? Tout et rien ! Un symbole dont chacun use pour asseoir son autorité ou justifier la guerre, les meurtres. A la regarder pou ce qu'elle est vraiment, Jérusalem n'est qu'un tas de pierres sur lequel le sang a coulé, coule et coulera encore plus que de raison. A la regarder pour ce qu'elle n'est que dans le regard des fanatiques qui agitent le monde et galvanise les foules, elle est un tremplin vers le pouvoir. Et le pouvoir, malheureusement, ne se nourrit pas de stabilité. La paix est éphémère, négociable et éternellement fragile. Au gré du point de vue des puissants de ce monde. 


Un bien triste constat mais non dénué d'optimisme. Si la quête de l'absolu ou de la perfection peut sembler vaine, sans récompense, l'abandonner pour satisfaire ses plus vils instincts serait sans doute encore pire. C'est là un des plus beaux thèmes qui irrigue tout le film et les personnages. Qu'il s'agisse de Balian, en quête de Dieu, d'amour et de rédemption, de Sybilla (Eva Greene), femme forte et imprévisible aux émotions contrariées par la politique des hommes, ou encore Saladin (Ghassan Massoud, la révélation du film), leader musulman chevaleresque contraint à la guerre par les fanatiques de tous bords. Et j'oublie d'en citer tant le film est riche de ses personnages. Riche de son esthétisme également. Les images, mémorables, sont d'une sophistication inouïe et flattent la rétine autant qu'elles donnent vie à cette époque si particulière, mélange de raffinement et de sauvagerie. 

Alan Wilson