Blog cinéma d'utilité publique

Blog cinéma d'utilité publique
Obligatoire de 7 à 77 ans

dimanche 24 mai 2015

LE SOLITAIRE (1981)

Titre original : Thief.
Réalisation : Michael Mann.
Scénario : Michael Mann, d'après THE HOME INVADERS de Frank Hohimer.
Directeur de la photographie : Donald Thorin.
Musique : Tangerine Dream.
Avec James Caan, Tuesday Weld, Willie Nelson, James Belushi, Robert Prosky, ...
Etats-Unis - Couleurs - 122 minutes.



La nuit lui appartient.

Certains premiers films sont des réussites éclatantes, mais sans lendemain. D'autres, loin d'être des coups de maîtres, s'avèrent tout de même riche de promesses. Michael Mann, lui, est parvenu à faire coup double. LE SOLITAIRE (joli titre français, pour une fois) n'est pas seulement un grand film, c'est aussi un film somme annonçant à lui seul TOUTE la filmographie à venir du cinéaste.
Un peu comme le collage utopiste que Frank (le personnage principal magnifiquement interprété par James Caan) garde sur lui en permanence, imaginant et planifiant son avenir idéal, il est possible de trouver dans chaque plan, scène ou cadrage du film des éléments et des sensations qui seront réutilisés plus tard et ce, jusque dans BLACK HAT sorti début 2015. Ainsi, la plongée vertigineuse dans les méandres des circuits d'un ordinateur en ouverture de ce dernier évoque t-elle sans peine le macro-travelling dans une serrure de coffre-fort durant l'ouverture du SOLITAIRE. De même, la violence et la rapidité avec laquelle Frank coupe les ponts avec son ancienne existence avant d'aller se venger de Leo (Robert Prosky), son employeur diabolique, réapparaît, à l'identique durant le climax de HEAT lorsque Neil McCauley (Robert de Niro) abandonne Eady, sa bien-aimée pour fuir la police après s'être lui aussi fait justice en supprimant le maléfique Waingro. Les exemples sont légions, et on ne va peut-être pas tous les énumérer, mais le fait est que LE SOLITAIRE est une oeuvre essentielle pour qui veut comprendre le cinéma de Michael Mann.
Mais on ne peut pas résumer LE SOLITAIRE a une simple note d'intention, aussi brillante et cohérente soit-elle. C'est aussi et surtout une révolution esthétique, un pur choc sensoriel qui prend aux tripes, une tragédie moderne. Comment ne pas se prendre de passion pour le combat de Frank, criminel virtuose et esclave d'une société avide de broyer quiconque tente de briser ses chaînes, de ne pas jouer selon la règle dominant/dominé ? On croise les doigts pour voir Frank réussir, on trépigne d'impatience et on célèbre en sa compagnie la réussite de ce qu'il considère comme son ultime casse. L'aisance avec laquelle Michael Mann nous embarque aux côtés de son (anti) héros est proprement saisissante. Ses défaites n'en sont que plus poignantes. Au final, et malgré un bref interlude ensoleillé, la nuit finit par tout engloutir. Frank, dépouillé de sa femme, de sa famille, de ses amis et de ses rêves, à son tour, disparaît dans les ténèbres. Mon dieu, quelle fin.

Alan WIlson

samedi 23 mai 2015

LE COMBAT DES REMAKES : PSYCHO (1960) Vs. PSYCHO (1998)



Dans le coin gauche du ring : PSYCHOSE (ça, c'est pour le titre français) est l'un des gros morceaux de la filmo d'Alfred Hitchcock. Tourné en noir et blanc et dans des délais très courts, avec Janet Leigh et Anthony Perkins en têtes d'affiche a révolutionné le cinéma d'horreur par ses coups de théâtre, sa brutalité inédite et sa mise en scène. Gros succès à la clé.



Dans le coin droit du ring : PSYCHO (à la fois le titre américain et le titre français, notez la subtilité) est l'une des bizarreries de la filmo de Gus Van Sant, un des porte-étendards du cinéma indépendant américains, pour le meilleur comme pour le pire. Estimant que le film original était parfait mais qu'il méritait d'être redécouvert par les jeunes générations sans souffrir du barrage du statut de vieux classique poussiéreux, il s'est donc lancé dans un drôle d'exercice de style en refaisant le même film au plan près. La couleur en plus. Et avec un nouveau casting. Gros bide à la clé.



Ce qui fonctionne dans l'original : Plus ou moins tout. Film de psycho-killer tordu et lourd de sous-entendus, PSYCHOSE multiplie les twists dont un d'anthologie en fin de premier acte. Une véritable leçon de mise en scène, de découpage et de montage, le shocker d'Alfred HItchcock est un cas d'école. Maintes fois parodié et/ou plagié, il mérite haut la main son label de classique immortel. Et il serait criminel d'oublier l'interprétation très ambigue de l'excellent Anthony Perkins.



Ce qui ne fonctionne pas dans l'original : On serait tenté de dire rien, mais ce serait oublier des seconds rôles un peu fades et interpréter sans une once de panache. Heureusement, l'attrait du film est ailleurs. Mais il fallait que ce soit dit.



Ce qui fonctionne dans le remake : Par la force du copier/coller, une immense majorité des qualités de l'original perdurent dans ce remake. La narration et le scénario sont donc impeccables. Mais ce PSYCHO possède tout de même des qualités qui lui sont propres, notamment la photo de Chris Doyle, la réorchestration agressive du score de Bernard Hermann par Danny Elfman et surtout l'interprétation joliment malsaine de Norman Bates par Vince Vaughn, preuve que l'acteur de SWINGERS vaut bien mieux que les comédies dans lesquelles il semble s'être enfermé depuis.


Ce qui ne fonctionne pas dans le remake : Bizarrement, le problème des seconds rôles, confiés ici à des acteurs talentueux (Julianne Moore, Viggo Mortensen, William H. Macy, excusez du peu), demeure d'un film à l'autre. Ils ne sont donc pas plus étoffés ici. Et puis il y a la question des modifications, très brêves, apportées par Van Sant en personne. Efficaces sur le moment, elles ont malheureusement la mauvaise idée d'expliciter certains aspects volontairement suggérés dans le film original. Bien que faisant froid dans le dos, la masturbation, désormais évidente, de Norman Bates observant une Marion Crane sur le point de prendre sa dernière douche en rajoute inutilement dans la perversion du personnage. On ne se demande plus ce qui ne tourne pas rond chez lui, on s'en doute désormais fortement. Dernier point noir, la prestation moyennement convaincante de Anne Heche loin, bien loin même, d'égaler le mélange de vulnérabilité et de sex-appeal de Janet Leigh.

Au final ... Bien qu'un peu oublié aujourd'hui, le remake opéré par Gus Van Sant mérite franchement le coup d'oeil et pas seulement pour jouer au jeu des sept erreurs avec l'original. C'est un hommage réussi, formellement très élégant, et même surprenant à bien des égards. On aurait donc tort de le snober en le traitant de simple copie. Défaite aux poings, mais bel effort du challenger.

Alan Wilson 

LE PORTRAIT AZIMUTE - MAGGIE GYLLENHAAL


"Having an education is invaluable" (Maggie Gyllenhaal)

"Sois-belle et tais-toi." Très peu pour Maggie Gyllenhaal. Fille de la scénariste et réalisatrice Naomi Foner Gyllenhaal et du réalisateur et poète Stephen Gyllenhaal (respectivement à ces postes sur le drame LOSING ISAIAH - LES CHEMINS DE L'AMOUR) et grande soeur de Jake (sa bio, ce sera pour une autre fois, hein !), l'actrice n'a rien d'une potiche. A 37 ans, elle n'a pas hésité, il y a quelques jours de cela, à dénoncer le sexisme d'Hollywood en révélant s'être vue refusé un rôle parce qu'étant ... trop vieille.
Grande, élégante, une beauté naturelle, un regard farouchement indépendant, Maggie Gyllenhaal s'inscrit dans la lignée d'actrices telles que SIgourney Weaver ou encore Katharine Hepburn. Sa personnalité semble d'ailleurs déborder sur chacun de ses rôles.

"You can go suck a fuck."

Se faire un nom sans s'éloigner du cercle familial. Se faire un prénom, en fait. C'est l'opportunité présentée par DONNIE DARKO. Maggie y interprète la soeur de l'anti-héros que joue son propre frère, Jake. Son temps de présence à l'écran est limité. Mais elle fait preuve d'un sacré naturel. En un seul regard, bouleversant, lors du climax, elle parvient à faire passer un sacré torrent d'émotions. Sans que l'on trouve à y redire, elle est l'AUTRE révélation du petit bijou de Richard Kelly.

"Does this look sexual to you ?"

Un rôle risqué. Comment jouer une femme dominée dans un film traitant du sadomasochisme et des relations employée/employeur sans passer pour un objet de phantasme sexuel pour le spectateur ? Maggie Gyllenhaal y parvient en se fondant dans un personnage paradoxale, riche et finement écrit. Lee Holloway n'est ni une sainte nitouche, ni une cruche. Bien au contraire, elle est formidablement intelligente. Mais aussi émotionnellement instable. L'actrice joue donc tout autant de son physique (c'est inévitable dans une telle situation) que de son regard et de son ton de voix. Sur le fil du rasoir, la prestation est incroyable. 

  "You make your own luck."

Pas facile de reprendre un rôle écrit pour quelqu'un d'autre dans un blockbuster adapté d'une bande-dessinée ultra-populaire. Maggie Gyllenhaal en fait l'expérience dans THE DARK KNIGHT. Elle succède ainsi à Katie Holmes (absente pour cause de scientologie aïgue) dans la peau de Rachel Dawes, femme de loi au centre d'un triangle amoureux avec Bruce Wayne/Batman et Harvey Dent. Une femme forte et idéaliste qui se bat avec son cerveau et qui tente de faire le tri dans ses sentiments sans se perdre en chemin. Un rôle idéal pour l'actrice. Elle base son interprétation sur celle de Holmes puis elle prend ses marques, scène après scène, façonnant une Rachel Dawes plus solide, plus ... femme. Sa silhouette et sa gestuelle l'éloignent de l'image de femme-enfant que trimballait le personnage dans BATMAN BEGINS. Scellant la tragédie du dernier acte, sa dernière scène est bigrement émouvante.

"Oh, I made a lot of mistakes. I'm just trying not to make 'em twice."

De la jeune carrière de Maggie Gyllenhaal, s'il fallait à l'auteur de ces lignes ne retenir qu'un seul rôle, ce serait sans doute celui-ci. Son couple, condamné d'avance à l'échec, avec le chanteur de country alcoolique incarné par l'immense Jeff Bridges est le coeur (fragile) de CRAZY HEART, drame musical de haute volée signé Scott Cooper, acteur reconverti dans la réalisation (LES BRASIERS DE LA COLERE et le très alléchant BLACK MASS avec Johnny Depp chauve). Journaliste et mère divorcée, Jean Craddock est un personnage qui témoigne de l'instinct très sûr avec lequel Maggie Gyllenhaal sait faire exister une femme ordinaire sans en faire des caisses. Les oscars ne s'y sont pas trompés en la récompensant d'une nomination on ne peut plus justifiée.

Alan Wilson 

LE PORTRAIT AZIMUTE : KURT RUSSELL



"When you think you're good, you will play at that level. If you doubt yourself, you will play like crap." Kurt Russell.


Cette citation, on pourrait tout autant l'appliquer au métier d'acteur qu'au baseball, un sport qui compte beaucoup aux yeux de l'acteur. Son père, l'acteur Bing Russell (mort en 2003, on se souvient surtout de lui pour son rôle régulier dans la série BONANZA) était aussi un ancien joueur et le propriétaire de l'équipe des Mavericks de Portland et sa soeur est la mère du joueur professionnel Matt Franco (pour ceux qui connaissent). La comédie et le baseball donc. Les deux facettes de Kurt Russell. Plus américain, tu meurs. Et c'est précisément ce qui fait tout son charme. Loin de la "méthode" de l'Actor's Studio, loin de la noblesse suave des acteurs shakespeariens, le jeu de Kurt Russell perpétue une vieille tradition hollywoodienne. Une bonne dose de professionnalisme, un charisme viril bien dosé et un zeste de (fausse) légèreté qui donne au public une impression de facilité mais qui témoigne en réalité d'une maîtrise constante. No bullshit, just acting.

"I'll let you go this one time

Qui se souvient de Rox et Rouky (The Fox & The Hound chez l'Oncle Sam) ? Ce dessin animé des studios Disney, sorti en 1981, n'est pas un grand classique, loin s'en faut, mais son histoire ne manque pas de coeur et milite fièrement pour la cause animale. Kurt Russell y prête sa voix à Rouky (avec Corey Feldman qui interprète le personnage version chiot), chien de chasse ami d'un renard. C'est là l'une des nombreuses participations de l'acteur aux productions de la firme de l'oncle Walt. Acteur depuis l'enfance (parmi des dizaines d'apparitions, on retiendra celle dans la série LE FUGITIF), Il aura même été sous contrat avec DIsney dix années durant. Il inaugure le dit contrat en 1966 à l'âge de quinze ans avec DEMAIN, DES HOMMES (Follow Me, Boys !) de Norman Tokar, aux côtés de Fred MacMurray et Lillian Gish. Bon échange de procédé. Son visage poupin fait merveille tandis que "l'école" Disney le forme au métier avec des bases aussi solides qu'old school.


 "When I get back, I'm going to kill you."

Rencontre avec un personnage, Snake Plissken.
Rencontre avec un réalisateur, John Carpenter.
Un film culte, gravé dans les mémoires, NEW YORK 1997 (Escape From N.Y.).
Bon, en fait, Russell et Carpenter se sont rencontrés avant, sur LE ROMAN D'ELVIS, un solide biopic du KIng réalisé pour la télévision. Si le jeune acteur a pu se glisser avec autant d'aisance dans la peau d'Elvis Presley, s'effaçant derrière le mythe, pas de doutes possibles, il saura incarner un pistolero du futur, borgne et nihiliste. Le pari était pourtant risqué, Snake Plissken faisant figure de contre-emploi absolu pour un jeune acteur sorti de l'écurie DIsney. Gestuelle à la fois minimaliste et relâchée témoignant de la profonde lassitude d'un guerrier aux réflexes meurtriers, barbe de trois jours et voix rocailleuse, Plissken est en quelque sorte le descendant futuriste de l'Homme sans Nom qu'interprétait Clint Eastwood dans les westerns de Sergio Leone. Mais si l'inspiration est évidente, Kurt Russell lui donne une personnalité propre, bien plus sombre et agressive.
Et la collaboration entre l'acteur et le réalisateur ne s'arrête heureusement pas là. Le respect et l'amitié aidant, ils vont encore remettre le couvert trois fois. Dans THE THING, remake de LA CHOSE D'UN AUTRE MONDE de Howard Hawks et Christian Nyby, Russell joue R.J. MacReady, pilote d'hélico taciturne à la barbe bien fournie. Un penchant pour l'alcool, la solitude et le sombrero (par -15°c, c'est amusant) sont les caractéristiques de cet homme finalement bien ordinaire. Humble, l'acteur joue volontairement en retrait, évitant de tirer la couverture à lui. Vient ensuite le feu d'artifice LES AVENTURES DE JACK BURTON DANS LES GRIFFES DU MANDARIN (Big Trouble in Little China). Fausse tête d'affiche mais vrai sidekick du héros chinois, Jack Burton est un camionneur fort en gueule mais pas forcément fûté. Kurt Russell déploie des trésors comiques, enchaîne les punchlines délicieuses ("It's all in the reflexes") et signe l'un de ses plus grandes compositions. Il n'est d'ailleurs pas interdit de retrouver de fortes similitudes dan son Gabe Cash, superflic macho et prolo du buddy-movie très bis TANGO & CASH avec Sly Stallone. Enfin, en 1996, Kurt redevient Snake. LOS ANGELES 2013 (Escape From L.A.) est une suite en forme de remake, une satire féroce et cartoonesque du politiquement correct à l'américaine, malheureusement entâchée par des effets spéciaux catastrophiques. Mais ce dernier tandem avec John Carpenter ne démérite pas. Snake a vieilli mais n'a pas changé.

 "Hell's coming with me !"

Wyatt Earp est bien plus qu'un simple personnage historique, c'est une légende de l'Ouest Américain. Randolph Scott, Henry Fonda, Burt Lancaster, ou encore James Garner (2 fois !) se sont succédés dans la peau du célèbre marshall. Et la liste n'est pas exhaustive. Au risque de déclencher des querelles de clocher et des duels en pagaille, j'oserai toutefois affirmer que Kurt Russell est assurément celui qui en a livré l'interprétation la plus mémorable, fiévreuse et iconique. Alors que dans WYATT EARP, fabuleux biopic signé Lawrence Kasdan, Kevin Costner s'attachait à débusquer l'homme derrière le mythe, TOMBSTONE, le projet concurrent sorti six mois plus tôt et mené par Russell en tête d'affiche fait, lui, tout le contraire. Regard d'acier, port impeccable, moustaches de prédateurs et la réplique cinglante, Wyatt Earp est iconisé comme jamais et ce, dès sa première apparitions. Donnant tout, comme s'il en avait en charge de jouer Dieu le Père, Kurt Russell joue de la contradiction d'un héros cherchant à tout prix à rejoindre le commun des mortels (famille, boulot, tout ça, tout ça) avant de céder complètement à sa nature profonde de pistolero invincible et vengeur. Inoubliable. Juste à titre d'anecdote, histoire de bien comprendre à quel point le rôle tient une place spéciale dans le coeur de l'acteur, sachez tout de même qu'il a baptisé son propre fils Wyatt.

 "Well, Pam ... Which way you going ? Left or right ?"

 Même s'il n'a rien fait pour empêcher ça, Kurt Russell est devenu un acteur culte un peu malgré lui. THE THING ou BIG TROUBLE IN LITTLE CHINA aurait pu être des cartons au box-office mais, au lieu de ça, ils se sont d'abord plantés avant de devenir des succès de vidéo-clubs. STARGATE, ULTIME DECISION, BREAKDOWN ou encore SOLDIER, quoi que l'on en pense, dégagent tous un véritable parfum de série B. Il était inévitable qu'il rejoigne le casting d'un film de Quentin Tarantino, cinéphile acharné et grand amateur de stars en perte de vitesse et au physique buriné. Sa performance dans BOULEVARD DE LA MORT est le reflet de toute une carrière. Entre virilité exacerbée et ironie sous-jacente. Stuntman Mike alterne charisme, menace et ... une vulnérabilité hilarante.
Depuis, Kurt Russell a marqué FAST & FURIOUS 7, carton mondial, de sa présence dans un rôle spécialement écrit à sa mesure, et, surtout, il a rejoint la bande de HATEFUL EIGHT, un western (encore) de Quentin Tarantino (encore). Sa carrière ne pouvait se poursuivre sous de meilleurs auspices.

Alan Wilson

vendredi 22 mai 2015

NOUVELLES RUBRIQUES



Après un sérieux coup de mou, c'est officiel, le blog va reprendre du poil de la bête. Outre les habituelles critiques, des portraits d'acteurs et d'actrices, de cinéastes et autres artistes inestimables du 7ème Art vont venir s'étaler dans nos belles colonnes numériques. Pour débuter cette série de portraits, j'ai décidé de respecter la parité. Un homme et une femme. Chabadababa. L'immortelle Snake Plissken (alias Kurt Russell) et une secrétaire suffisamment téméraire pour renvoyer Christian Grey pleurer dans les jupons de sa maman (la talentueuse Maggie Gyllenhaal, sœur de) ont l'immense honneur d'ouvrir le bal. Notez que, moi blogueur, je m'engage à respecter cette parité.
Autre rubrique, le combat des remakes. Le but du jeu est simple. Deux films, l'original et le remake, s'affrontent par le biais de ma plume aussi humble que génialement talentueuse. Des matches nuls ne sont pas à exclure. Il va y avoir du sang et des larmes. Bref, ça va chier.
En attendant, bonne lecture, bons films, bontempi.

Alan Wilson

samedi 16 mai 2015

MICHAEL KOHLHAAS (2013)

Réalisation : Arnaud des Pallières.
Scénario : Christlle Berthevas, Arnaud des Pallières, d'après le roman de Heinrich Von Kleist.
DIrecteur de la photographie : Jeanne Lapoirie.
Musique : Martin Wheeler et les Witches.
Avec Mads Mikkelsen, Delphine Chuillot, Bruno Ganz, Mélusine Mayance, David Bennent, Denis Lavant, ...
France/Allemagne - Couleurs - 122 minutes.




Don't fuck with Mads.

MICHAEL KOHLHAAS est un sacré film qui n'a pas eu la reconnaissance qu'il mérite, premier fait.
MICHAEL KOHLHAAS est vraiment un sacré putain de film qui ne cherche ni la reconnaissance, ni les honneurs, ni la sympathie du public ou de la critique, second fait.
L'histoire de ce marchand de chevaux droit dans ses bottes qui cherche à obtenir justice par tous les moyens après qu'un seigneur lui ait fait du tort (et pas qu'un peu) n'est pas nouvelle. Volker Schlondorff, le réalisateur du TAMBOUR, en avait d'ailleurs une première adaptation en 1969 avec David Warner dans le rôle-titre. Et l'on ne manquera pas non plus d'y trouver des points communs avec BRAVEHEART (1995) et ROB ROY (1995 aussi), deux films que l'on ne présente plus et qui usent peu ou prou des mêmes ressorts dramatiques. Les partis-pris anti-spectaculaires du réalisateur Arnaud des Pallières, plutôt gonflés, font toute la différence.
Au romantisme, au lyrisme, au grand spectacle et à la catharsis habituellement de rigueur, des Pallières privilégie un naturalisme à la fois splendide formellement et farouchement austère dans ses émotions. La musique aussi sait se faire discrète, évitant les envolées. La violence, bien que très présente, évite d'être trop frontale ou gratuite. Le sang n'a guère besoin de couler à flots pour que l'on sente sa chaleur poisseuse se répandre. Logique et cohérent finalement puisque le film tout entier est façonné à l'image de son héros, magnifiquement interprété par un Mads Mikkelsen stoïque, tout en colère contenue. Voir l'acteur s'exprimer (parfois difficilement) en français, une langue qu'il ne connaît pas, peut s'avérer déstabilisant au début. Mais, sur la durée, cette particularité renforce encore un peu plus la singularité de cet anti-héros, homme de peu de mots, farouchement protestant.
Il faut savoir ouvrir grand ses yeux et ses oreilles, faire preuve de patience, se laisser hypnotiser par la beauté des images et lutter contre certaines frustrations (le traitement elliptique et minimaliste de la révolte menée par Kohlhaas peut faire grincer des dents) pour apprécier le film d'Arnaud des Pallières. La récompense vient à la toute fin, lors d'un dernier plan tétanisant. 

Alan Wilson   



vendredi 15 mai 2015

AVENGERS - L'ERE D'ULTRON (2015)

Titre original : Avengers - Age of Ultron.
Réalisateur : Joss Whedon.
Scénariste : Joss Whedon, d'après les personnages créés par Stan Lee et Jack Kirby.
Directeur de la photographie : Ben Davis.
Musique : Brian Tyler, Danny Elfman.
Avec Robert Downey Jr., Chris Evans, Mark Ruffalo, Chris Hemsworth, Scarlett Johansson, Jeremy Renner, James Spader, ...
Etats-Unis - Couleurs - 141 minutes.



"Il est où le réalisateur ?"
Matière grasse.

Il ne faut pas se fier au carton mondial du nouveau "film" des studios Marvel. Rarement une telle montagne de dollars aura eu autant de mal à dissimuler un échec de cet ampleur. AVENGERS - L'ERE D'ULTRON fait plus que toucher du doigt les limites de la formule Marvel. Il grille en fait tous les feux rouges. AVENGERS - L'ERE D'ULTRON est bien un échec, oui. Un échec artistique qui risque de mettre en danger, non pas le septième Art comme on a pu le lire un peu partout, mais bien les studios Marvel s'il n'y prenne pas garde.
Evacuons d'emblée les banalités. Non, le film de Joss Whedon n'est pas une bouse honteuse, un nanar sans nom. Il y a de l'action (beaucoup), de l'humour (trop), des effets spéciaux en pagaille, un casting maousse qui fait bien le boulot et on ne s'ennuie pas trop. C'est un peu comme se goinfrer un Big Mac. C'est pas de la grande cuisine, mais ça remplit gentiment la panse. Le problème, c'est que l'on se demande s'il s'agit bien d'un film de Joss Whedon. Le cinéaste/über-geek avait de folles ambitions pour cette suite, ainsi que des références excitantes (LE PARRAIN II, L'EMPIRE-CONTRE-ATTAQUE). Le groupe devait se déchirer sous la pression de conflits internes insolubles. Le méchant Ultron serait d'un tout autre niveau que Loki. La lutte fratricide et destructrice entre Hulk et Iron Man serait tout autant un pur morceau de bravoure que le pic dramatique et émotionnel du film. Bref, on allait voir ce qu'on allait voir. Vu le sacré miracle que représentait AVENGERS (rendre cohérent et plaisant un crossover à priori impossible entre différentes franchises super-héroïques), on était prêt à croire que Whedon tiendrait ses promesses. On se disait, surtout, que Whedon aurait les coudées franches pour réaliser le film qu'il voudrait. On avait tort. 
"L'affaire" Edgar Wright, démissionnaire d'ANT-MAN suite à des différents artistiques aurait dû nous mettre la puce à l'oreille. Kevin Feige, grand gourou des productions Marvel, a beau claironner à longueur d'interviews que chaque nouveau film est une prise de risque, une audace, il ment comme un arracheur de dents. Tout est calculé, planifié, maîtrisé. Et malheur à celui qui osera sortir des clous. Quelle que soit le plaisir que l'on peut y prendre (ou pas), IRON MAN 3, THOR LE MONDE DES TENEBRES et même LES GARDIENS DE LA GALAXIE et CAPTAIN AMERICA - LE SOLDAT DE L'HIVER ne sont rien d'autres que des clones d'AVENGERS premier du nom. Même cool attitude, même profusion de personnages en forme de clin d'oeil (on appelle ça du fan service et c'est de plus en plus gonflant), même goût pour la destruction massive en numérique et les menaces venues du ciel. C'est TOUJOURS le même film et AVENGERS - L'ERE D'ULTRON pousse cette fois-ci le bouchon trop loin. Clairement, le film souffre de sa boulimie. Au milieu de ce spectacle permanent et parfois épuisnat, les éléments qui tenaient le plus à coeur à Whedon (les jumeaux Maximoff, le psychopathe Ultron, les luttes internes) peinent à exister. Le cinéaste et scénariste a une voix et un style bien à lui. Qu'il est triste de le voir jouer le fonctionnaire aphone, le mercenaire servile. Lors d'un épilogue convenu, on peut voir un Tony Stark bizarrement inexpressif quitter l'équipe des Avengers. Joss Whedon en a fait autant. Il laisse le fardeau à d'autres (les frères Russo) et s'en va, exsangue. 
Ainsi, Marvel, incapable de se renouveler, pris au piège de sa propre formule, a préféré faire fuir l'un de ses cerveaux ou, du moins, l'un des artisans de son succès d'aujourd'hui. Les ennuis ne vont donc pas tarder et, au premier bide (car ça leur pend au nez), Kevin Feige et Disney s'en mordront les doigts. Je connais des grenouilles qui ont éclaté pour moins que ça. 

Alan Wilson.       


lundi 11 mai 2015

NIXON (1995)

Réalisation : Oliver Stone.
Scénario : Stephen J. Rivele, Christopher Wilkinson, Oliver Stone.
Directeur de la photographie : Robert Richardson.
Musique : John Williams.
Avec Anthony Hopkins, Joan Allen, Paul Sorvino, Bob Hoskins, Powers Boothe, James Woods, Ed Harris, ...
Etats-Unis - Couleurs - 192 minutes (director's cut : 212 minutes).

Dans la peau de Richard Nixon.





C'est bien connu, le réalisateur et scénariste Oliver Stone éprouve une fascination sans bornes pour les figures controversées et la polémique (j'étais sur le point de vous donner des exemples mais non, j'ai plus envie, vous connaissez la filmo du bonhomme ... sinon, il reste wikipédia). En réalisant NIXON, biopic, donc, de Richard Nixon (j'étais sur le point de vous faire la bio du bonhomme mais bon ... wikipédia again), il prouve également qu'il n'est pas rancunier. 
Car le président Nixon (ici joué par Anthony Hopkins, mi-ogre, mi-Caliméro), comme son prédécesseur, le texan Lyndon B. Johnson, a envoyé des jeunes américains se faire trucider par milliers dans le bourbier vietnamien, parmi lesquels, justement, Oliver Stone. Le cinéaste avait beau être volontaire, il n'a pas oublié l'horreur et l'absurdité de ce conflit. Un conflit, d'ailleurs, que Nixon n'avait pas hésité à intensifier brutalement avec sa théorie du "fou". Témoin direct des conséquences sanglantes de l'inflexibilité de Nixon, Oliver Stone aurait eu tous les droits de le haïr. Non, au lieu de ca, il préfère disséquer le mythe, entrer dans la tête de Richard Nixon pour mieux le comprendre et, peut-être - qui sait ? - le réhabiliter. 
Passé un prologue exposant les prémices du scandale du Watergate (wikipédia, mesdames et messieurs, vous tend les bras), le métrage enchaîne directement sur un président Nixon aux abois, de plus en plus seul, et bientôt contraint de démissionner, renonçant ainsi à contre-cœur à un pouvoir qu'il a tant désiré et qu'il a conquis en hypothéquant son âme et son équilibre mental. Il fait nuit, un orage gronde et la Maison Blanche est semblable à un manoir hanté. Partant de cette sublime et lugubre entrée en matière, Stone lance la machine à flash-backs, laissant son montage dériver au fil des souvenirs. Jeunesse difficile et tragique, campagnes politiques pleines de désillusions, rencontres déterminantes. Tout y passe, avec un sens du détail incroyable. Mais NIXON ne se résume pas à une stérile leçon d'histoire. 
Le cœur du film est ailleurs. Dans la schizophrénie de Nixon, un homme double. Stone explore cette facette en jouant sur deux couples. Le couple entre Nixon et sa femme, Pat (Joan Allen, dans son plus beau rôle) d'un côté. Un amour véritable, profond, chaleureux, unit ces deux âmes. Mais il y a aussi le couple Nixon/Hoover (Bob Hoskins, diaboliquement taillé pour interpréter le tant redouté créateur du FBI) , nettement plus intrigant, faustien même. Une scène, exclusive à la version longue, renforce la relation sulfureuse entre ces deux hommes de pouvoir puisque Stone n'hésite pas à faire de Hoover celui qui suggère à Nixon d'enregistrer toutes ses conversations dans le Bureau Ovale. Ce sont ces enregistrements en question qui conduiront, entre autre, à la chute du président. Vous avez dit ambigu ?
Figurant parmi les échecs publics et critiques d'Oliver Stone, NIXON a beaucoup souffert de la comparaison avec JFK, certains pointant du doigt une narration moins fluide (comprendre elliptique et non-linéaire) ou encore le manque de sympathie des personnages (forcément, entre ceux, dans JFK, qui cherche à déterrer la vérité et ceux, dans NIXON, qui cherche à la dissimuler, il y a un sacré fossé). Si l'Histoire oblige les deux films à se recouper, ils n'ont pourtant que peu de points communs. JFK est un thriller juridique, NIXON est un biopic quasi-shakespearien. W., autre biopic sur un drôle de président, serait une comparaison plus judicieuse. Il faut donc revoir NIXON, avec un regard neuf. C'est du grand, du très grand cinéma. 
 
Alan Wilson.