Blog cinéma d'utilité publique

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lundi 14 août 2017

LA TOUR SOMBRE (2017)

Titre original : The Dark Tower.
Réalisateur : Nikolaj Arcel.
Scénario : Akiva Goldsman, Jeff Pinkner, Anders Thomas Jensen, NIkolaj Arcel.
Directeur de la photographie : Rasmus Videbaek.
Musique : Tom Holkenborg, alias Junkie XL.
Avec Idris Elba, Matthew McConaughey, Tom Taylor, Claudia Kim, Katheryn Winnick, Fran Kranz, Abbey Lee, Jackie Earl Haley, ...
Etats-Unis - Couleur - 95 minutes.




L'Homme en Noir et le Pistolero se font face. King stand-off.



Terre perdue


Saga littéraire fleuve composée de huit romans et d'une nouvelle publiés entre 1978 et 2012 (sans compter Le Talisman, coécrit avec Peter Straub, les bandes dessinées ou encore Les Concordances de Robin Furth, une sorte d'encyclopédie comparable aux Appendices du Seigneur des Anneaux), La Tour Sombre est l'épine dorsale de l'œuvre de Stephen King. En plus de rendre hommage à Sergio Leone et au western spaghetti, aux écrits de Joseph Campbell et au cycle Arthurien, à Frank Herbert et à J.R.R. Tolkien, l'écrivain y dresse des parallèles plus ou moins directs avec la quasi-totalité de ses autres romans et va même jusqu'à se mettre en scène lors de l'accident qui faillit lui coûter la vie en 1999. Soit un univers adulte, complexe, riche, ludique, surréaliste, émouvant et poétique. Et un vrai casse-tête pour Hollywood, toujours à l'affût d'une nouvelle franchise apte à faire bander les geeks et remplir le tiroir-caisse. La Tour Sombre n'est sans doute pas inadaptable mais la singularité de la bête requiert de l'intelligence et des couilles, des qualités de plus en plus rares.
Premier à s'y coller avant de jeter l'éponge, J.J. Abrams hésite pendant plus de trois ans (entre 2006 et 2009) sur le format d'une adaptation qu'il coécrit avec ses compères de Lost, Carlton Cuse et Damon Lindelof. Film ou série télé ? Le projet ne décolle pas. Avec le recul, le trio de fanboys, aussi surestimé soient-ils, était pourtant le meilleur choix pour porter La Tour Sombre à l'écran, grand ou petit, les références dont ils ont truffé leurs séries témoignant d'un amour sincère et d'une vraie compréhension du matériau de base. Une belle occasion manquée donc. Puis vient le tour de Ron Howard qui prévoit trois films et deux séries télé, confie le scénario au très dispensable Akira Goldsman (coupable des Batman de Joel Schumacher et fossoyeur du Je Suis Une Légende de Richard Matheson pour Will Smith) et approche Javier Bardem pour interpréter Roland Deschain, le dernier des pistoleros et protagoniste central de La Tour Sombre. Cinq années de development hell plus tard, le bébé atterrit finalement chez Sony (après être passé chez Warner et Universal) et les ambitions sont considérablement revues à la baisse avec un seul film à l'horizon, histoire de ne pas prendre trop de risques. Si Ron Howard et Akiva Goldsman restent impliqués (le premier coproduit, le second écrit une nouvelle version), c'est le danois Nikolaj Arcel, réalisateur du très bon A Royal Affair avec Mads Mikkelsen, qui hérite de la mise en scène. Plutôt une bonne nouvelle ? Au vu du résultat, pas vraiment.
Disons-le tout net, l'adaptation est foirée dans les grandes largeurs. Passe encore le choix de confier le rôle de Roland à Idris Elba (la couleur de peau n'est pas le problème, mais j'y reviendrais) ou de penser le film comme une "suite" au cycle littéraire. Il est parfois nécessaire de trahir la lettre pour sauver l'esprit. Manque de bol, l'esprit n'est pas juste trahi, il est carrément violé. Si l'on y réfléchit cinq minutes, la quête de la Tour Sombre est semblable à toutes les quêtes du genre épique. Peu importe la destination, seul compte le voyage et les leçons que l'on en tire. Ici, point de quête mais une banale histoire de vengeance avec sauvetage de l'univers en prime. Le méchant veut détruire la Tour et faire triompher le Mal. Charge aux gentils de tuer le méchant. Et n'allez pas chercher plus loin que ça. Une intrigue de série B bouclée en 95 minutes générique compris. Vous vouliez du post-apo mystique ? Allez-vous faire foutre. Vous vouliez du western fantastique ? Allez-vous faire foutre. Vous vouliez de la magie et la promesse d'un monde dépassant l'imagination ? Allez (vraiment) vous faire foutre. Remonté de toutes parts (des rumeurs, faciles à croire, font état de coupes massives), parfois carrément cheap en dépit d'un budget confortable de 60 millions de dollars, paresseux de par ses raccourcis narratifs (c'est pratique les portails dimensionnels, ça permet d'aller vite et de justifier des ellipses) et incapable de tirer avantage de ses décors naturels (c'est tourné en Afrique du Sud mais ça pourrait tout aussi bien être la Bulgarie) , La Tour Sombre 2017 prend l'eau de toutes parts.  
Seul le casting sauve quelque peu la mise. Crédible dans l'action et charismatique, Idris Elba a peu à faire mais il le fait bien et parvient à rendre son Roland attachant à défaut de lui apporter la noblesse et la profondeur requise (quitte à changer la couleur du personnage, croisement entre l'Homme Sans Nom de Clint Eastwood et le Perceval des Chevaliers de la Table Ronde, Denzel Washington eut été un choix plus judicieux). Dans la peau de l'Homme en Noir, alias Walter Paddick, Matthew McConaughey est, quant à lui, parfait. Délaissant un temps les rôles de beaux gosses romantiques et mystérieux et son spleen texan, l'acteur embrasse avec gourmandise la méchanceté gratuite de ce sorcier aussi séduisant que cruel. La beauté du diable en quelque sorte. Félicitations également au jeune Tom Taylor qui rend justice au rôle difficile (parce que potentiellement casse-couille) de Jake Chambers, gamin paumé et un peu collant mais héroïque. 
Pour ce qu'il est, La Tour Sombre se laisse vaguement regarder. Pour ce qu'il aurait pu (et dû) être, le film de Nikolaj Arcel est une insulte à l'intelligence des spectateurs comme des amoureux de l'œuvre originale. Un vrai film de studio, en somme.

Alan Wilson          
  
       





















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